Richesses et popularité de la sardine du Maroc

Depuis quelques années, on observe un changement dans les écosystèmes et le calendrier des poissons.

Tout le monde ou presque connaît, d’un continent à l’autre, la fidèle sardine en boîte du Maroc, produit phare de l’exportation au royaume chérifien. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) classe le Maroc comme premier producteur et exportateur de sardine, dont la pêche est estimée à plus d’un million de tonnes à la période faste de juillet à décembre.

Plan Halieutis

Devant une telle offre dépassant largement la demande nationale, le pays a misé sur l’export et la conserverie. En 2009, le roi Mohammed VI lançait le Plan Halieutis visant au développement du secteur de la pêche, par une meilleure gestion, plus compétitive et responsable, des ressources halieutiques.

Cette planification stratégique prévoyait ainsi la multiplication et la diversification des emplois liés au secteur par la création d’unités industrielles de transformation et de valorisation des produits de la mer, en vue d’en faire un moteur de croissance ambitieux pour l’économie du pays.

En 2018, un rapport de la Cour des comptes adressé au ministère pointait cependant certaines défaillances dans la mise en application du Plan Halieutis, notamment dans le suivi et le pilotage des différents projets programmés comme dans la gestion des ports et pêcheries ou la réglementation relative à l’encadrement de l’aquaculture, des méthodes de pêche employées et de la commercialisation des produits.

Patrimoine culturel

Si la sardine est un mets populaire — son prix au kilo, à la revente, varie entre 5 et 30 dirhams [entre 0,5 et 3 euros] selon l’offre et les intermédiaires — et très nutritif, on en distingue deux types dans les eaux marocaines : la sardine du nord, pêchée au large de Safi, d’El Jadida ou de Casablanca, de petite taille et plus prisée par les consommateurs, et celle du sud, débarquée dans les ports de Laâyoune, Tantan ou Boujdour, davantage destinée à l’industrie de la conserve.

L’un des lieux les plus emblématiques de la pêche à la sardine est la charmante ville portuaire de Safi, située entre Essaouira et El Jadida, sous domination portugaise entre le XVe et XVIIIe siècles, qui compte une dizaine de conserveries et célèbre chaque année son Festival de la Mer, où les habitants de la région se retrouvent en musique autour de grillades de poissons et autres spécialités locales ; l’occasion de mettre en valeur le patrimoine culturel — matériel et immatériel — de l’une des plus anciennes cités du Maroc, également connue pour ses très belles céramiques colorées.

Si la sardine adulte se plaît tout particulièrement dans les eaux marocaines, c’est d’abord parce que la température, relativement basse et soumise aux alizés dans cette zone maritime entourée de courants chauds, y demeure propice à leur équilibre naturel, après la ponte qui a lieu plus au large des côtes.

Secteur d’avenir

Depuis quelques années, on observe toutefois un changement dans les écosystèmes et le calendrier des poissons, que les professionnels attribuent à plusieurs facteurs humains, dont la surexploitation et l’utilisation de filets de pêche interdits par des chalutiers ne respectant pas les zones délimitées ; d’autant que certaines espèces nécessitent une période de repos biologique pour leur renouvellement.

En cause également, la pollution des eaux, principalement due au déversement des pesticides et engrais utilisés dans les activités agricoles, mais aussi à certains rejets industriels et ménagers que les stations d’épuration ne savent traiter, ou encore aux hydrocarbures des navires. D’autres professionnels de la pêche mettent en avant la théorie d’un possible réchauffement climatique, qui amènerait de nouvelles espèces prédatrices, comme le dauphin noir ou le thon rouge, celles-ci faisant par ailleurs de nombreux dégâts sur les filets des sardiniers.

Plus que jamais, le domaine de la pêche au Maroc, compte tenu du savoir-faire artisanal ou industriel, de la main-d’œuvre disponible et de la culture associée, apparaît comme un secteur d’avenir pour l’économie nationale, notamment en vue du développement des activités portuaires et l’exportation vers l’autre rive de l’Atlantique ou de la Méditerranée, pourvu que l’on parvienne à une gestion rigoureuse et durable des ressources et des installations, par la responsabilisation des différents acteurs et le plein engagement des autorités publiques en faveur de la coordination, du suivi et de la transparence nécessaires.

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