Nigérians autant que Libyens sont responsables des mauvais traitements, de la vente de migrants et des enlèvements en Libye.
En Libye, il n’y a pas que les milices locales qui s’adonnent à l’esclavage. L’existence de véritables ventes aux enchères de migrants, la plupart subsahariens, avait été rapportée par la chaine américaine CNN, en novembre dernier, et condamnée dans la foulée par de nombreux chefs d’Etats dans le monde entier. Récemment, des présidents africains ont pointé du doigt le pays du nord du continent, dénonçant le racisme et les crimes envers leurs « frères ».
« C’était un piège »
Sauf que, d’après certains rescapés de cet « enfer libyen », les passeurs de migrants libyens ne sont pas les seuls à profiter de ce « business ». Certains groupes mafieux subsahariens sur place, notamment nigérians, l’exploitent également. C’est ce qu’a rapporté Sophie Bouillon, journaliste à l’AFP, qui estime que des Nigérians autant que des Libyens sont responsables des mauvais traitements, de la vente de migrants et des enlèvements. « Oui, les Nigérians et les Libyens sont tous deux impliqués dans les trafics de migrants en Libye » lui a d’ailleurs confié Julie Donli, directrice de l’Agence nationale pour l’interdiction de la traite des êtres humains (NAPTIP).
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Daniel – tous les prénoms ont été modifiés pour des raisons de sécurité – était étudiant lorsqu’il s’est laissé convaincre par un réseau de passeurs de rejoindre l’Europe, écrit-elle. Sauf que début décembre, le jeune nigérian de 28 ans est rapatrié vers Bénin City, sa ville d’origine, après 10 mois de séquestrations, de violences, de travaux forcés, les jambes lacérées par les brûlures de fils électriques. « Nous avons été trompés. C’était un piège. Ceux qui nous ont fait ça sont les mêmes qui nous promettent l’Europe » confie-t-il alors.
« En deçà de la réalité »
En tout, Daniel aura versé près d’1,5 million de nairas (plus de 3 000 euros) pour se retrouver bloqué sur la côte libyenne, à Tripoli, où il a commencé à enchainer les petits boulots. « Le patron venait me chercher le matin et je voyageais dans le coffre de sa voiture pour qu’on ne me voie pas » raconte-t-il à la journaliste de l’AFP. Il s’est finalement rendu aux autorités libyennes dans l’espoir d’être expulsé vers son pays d’origine, une fois son compte bancaire vidé. Et a passé 7 mois dans un centre de détention où les Libyens venaient le chercher pour travailler gratuitement, « comme des esclaves ».
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D’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), fin septembre, près de 250 000 migrants subsahariens se trouvaient en Libye ; le Nigéria, pays de 190 millions d’habitants, en comptait le plus grand nombre. L’institution, d’après l’AFP, note que ces estimations sont « certainement en deçà de la réalité ». Et en novembre dernier, ce sont 1 300 Nigérians qui ont été rapatriés, contre seulement 643 entre décembre et mars. Le Nigéria a beau être la première puissance économique d’Afrique, ses ressortissants n’en ressentent pas moins l’envie d’émigrer.
