L’offensive des troupes d’Erdogan contre les kurdes syriens (YPG) embarrasse la coalition internationale.
Considéré comme un mouvement terroriste par Ankara, le YPG (Unités de protection du peuple) pourrait perdre pied en Syrie face à l’attaque menée depuis maintenant quatre jours par les forces turques dans la région d’Afrin (nord-ouest). Les combats sont en effet extrêmement violents et ont déjà fait 80 morts au sein des deux camps. Si cet assaut est regrettable d’un point vue humain, il pose également la question de la fidélité de la coalition internationale qui s’est toujours appuyée sur les milices kurdes pour lutter contre l’organisation Etat islamique (EI).
Arrivera-t-elle à faire entendre raison au gouvernement de Recep Tayyip Erdogan sur cette épineuse problématique ? Rien n’est moins sûr. Ce qui a le don d’agacer la communauté française du Rojava (Kurdistan occidental) dont le représentant national a été interviewé par Le Point. Khaled Issa ne se prive pas, ainsi, de tirer à boulets rouges sur Ankara qu’il accuse de soutenir le terrorisme.
« [Erdogan] ne supporte pas l’idée que nous ayons fermé la frontière aux terroristes. Depuis nos victoires à Raqqa et dans d’autres villes syriennes, les membres de Daech n’ont plus la possibilité de fuir vers la Turquie. Nous avons bloqué les accès. Et c’est précisément ce que veulent changer les autorités turques. Rendre la frontière à nouveau poreuse, comme elle l’était au début de la révolution syrienne, ce qui leur permettrait de mieux gérer les groupes extrémistes (…) N’oubliez pas qu’Erdogan a besoin d’instruments de chantage vis-à-vis de l’Union européenne. Avoir la capacité de contrôler les allées et venues des djihadistes en est un. En nous attaquant, Erdogan vole tout simplement au secours de Daech. »
« Nous ne défendons pas un projet indépendantiste ou séparatiste »
Si le chef d’Etat turc soutient que la sécurité de son pays dépend, entre autres, de la disparition du YPG, Khaled Issa maintient de son côté qu’il s’agit d’un simple stratagème machiavélique :
« Depuis que nous avons mis en place nos institutions, pas une pierre n’a été jetée du côté turc. Nous respectons la frontière. Tout comme nous reconnaissons appartenir à l’État syrien. Nous ne défendons pas un projet indépendantiste ou séparatiste. Nous voulons seulement pouvoir promouvoir nos valeurs démocratiques et d’égalité entre les hommes et les femmes dans notre espace. Or cette idée va à l’encontre du projet islamiste d’Erdogan. Et c’est lui-même qui viole la souveraineté d’un État avec cette incursion. »
L’intéressé se sent dès lors floué par la coalition internationale et Washington qui n’occupent pas dans ce dossier le costume qui s’impose en matière diplomatique et géopolitique :
« La Turquie est membre de l’OTAN. Résultat, les puissances occidentales ne prennent aucune décision à la hauteur de la situation. C’est pourtant la France qui agit. Elle seule a demandé une réunion exceptionnelle du conseil de sécurité. Mais il faut évidemment aller plus loin : sanctionner Ankara, envoyer des observateurs sur place, interdire l’espace aérien à l’aviation turque. Jusqu’à quand soutiendra-t-on la Turquie ? Les Kurdes se battent contre Daech, l’ennemi de l’humanité. Ça mériterait une (plus) grande solidarité internationale ! »
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Etudiant en master de journalisme, Bertrand Faure se destine à la presse écrite. Passionné de relations internationales, il nourrit un tropisme particulier pour le Maghreb et la région MENA, où il a effectué de nombreux voyages.