Rongé par la crise économique, le Soudan doit se reprendre et vite

L’Etat voit ses réserves de devises étrangères fondre depuis 2011, année de l’indépendance du Soudan du Sud.

Le peuple soudanais est au bord de la crise de nerf et ne se prive pas de le faire savoir. Les manifestations et les grèves (parfois violemment réprimées) sont en effet légion sur le territoire, pour exprimer un ras-le-bol symptomatique d’une cherté de la vie qui tisse sa toile un peu plus chaque jour, sur fond de crise économique.

Et pour cause, l’Etat voit ses réserves de devises étrangères fondre depuis 2011, année de l’indépendance du Soudan du Sud, qui a récupéré la mainmise sur les champs pétroliers nationaux.

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Pire, Khartoum s’est vu obligée de dévaluer la livre à plusieurs reprises en 2018… Sachant que la Banque centrale annonce au quotidien depuis octobre, et jusqu’à nouvel ordre, le taux de change officiel par rapport au dollar. A ce jour, un dollar équivaut donc à 47,62 livres.

Conséquence directe, le gouvernement est obligé de trancher dans le vif en supprimant des subventions essentielles sur certains produits de base. Ce qui nourrit de facto l’inflation, qui dépasse désormais le cap des 70 %, mais aussi une pénurie de farine, de carburant, de médicaments ou encore de gaz.

Un chef d’Etat « déconnecté »

Face à ce marasme social, le président el-Béchir, dont le peuple demande « la tête », ne semble décidément pas en mesure d’infléchir la tendance, ni de faire un quelconque mea culpa.

Car pour le principal intéressé, cette crise économique découle essentiellement des sanctions occidentales* qui visent son pays. Notamment en raison de son implication présumée dans des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre au Darfour. Un tableau de chasse qui lui vaut depuis 2010 un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.

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Il est d’ailleurs important de noter que la diplomatie soudanaise se porte elle aussi très mal puisque l’Etat a décidé de réduire drastiquement son train de vie en la matière au mois de mai dernier. Et cela, en annonçant la fermeture de treize missions à l’étranger et de vastes coupes budgétaires dans sept autres. Mais aussi une réduction d’effectifs dans la capitale, au sein du ministère des Affaires étrangères.

L’ex-chef de la diplomatie, Ibrahim Ghandour, avait d’ailleurs confirmé à cette occasion que le personnel en poste à l’international « n’était plus payé depuis des mois ». Des propos très mal accueillis au sommet de la pyramide politique qui lui ont immédiatement coûté sa place.

La carte des matières premières

Le Soudan doit se reprendre économiquement – et le plus vite sera le mieux. En ce sens, l’Etat mise beaucoup sur le potentiel non négligeable des réserves domestiques de minerais. Khartoum, qui détient les troisièmes plus grandes réserves d’uranium de la planète, a donc ouvert la filière aux capitaux étrangers en mars dernier.

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Selon La Tribune« cette décision a été prise lors d’une réunion régulière du Comité de contrôle du taux de change. L’occasion pour le gouvernement de se mettre d’accord sur la modification d’un certain nombre de textes législatifs portant sur le commerce, les devises étrangères, les ressources minérales, le stockage des minéraux précieux, ainsi que l’exportation à des prix plus attractifs que ceux proposés par les marchés internationaux ». Dans la foulée, la justice locale avait également précisé qu’elle renforcerait sa lutte contre la fraude au certificat d’origine.

Moscou et Ankara en embuscade

Concrètement, la Russie garde un train d’avance dans ce dossier, en raison d’un savoir-faire de premier plan dans l’extraction de cette matière première, cruciale pour l’exploitation des centrales nucléaires. La Compagnie d’études géologiques du Soudan avait d’ailleurs confirmé cette tendance en juillet 2015, « après avoir découvert de grandes quantités du minerai dans diverses régions du pays ».

De son côté, la Turquie lorgne avec appétit sur l’important réservoir d’or national qui représente, à lui seul, 80 % des revenus soudanais en devises étrangères. Une donnée qu’Omar el-Béchir compte exploiter à plein régime. Le rapprochement opéré au mois d’août par le ministère soudanais des Mines et le groupe turc, Denizli, entrait donc pleinement dans une logique appelée à se multiplier à l’avenir. Pour rappel, le Soudan a produit 105 tonnes d’or en 2017. Des chiffres qui augurent d’un cru 2018 encore plus prolixe. Dont la population ne verra sans doute pas les effets.

*Si le Soudan demeure sur la liste américaine des Etats qui soutiennent le terrorisme, toutes les sanctions économiques ont été levées l’an passé. De plus, la rupture entre le Soudan et l’Iran favorise les relations américano-soudanaises.

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