L’institution financière a averti Beyrouth qu’il ne devait pas y avoir de passe-droits dans la vaccination.
La Banque mondiale (BM) a menacé, mardi, de suspendre le financement des vaccins contre le coronavirus au Liban, alors qu’elle enquêtait jusqu’à présent sur des soupçons de favoritisme, sur fond d’accusations selon lesquelles les législateurs auraient reçu le vaccin au Parlement, sans autorisation préalable.
Un haut responsable libanais, supervisant le déploiement du vaccin, a qualifié cette affaire de « scandaleuse », menaçant même de démissionner. Sur les réseaux sociaux, les Libanais n’ont quant à eux pas hésité à afficher leur méfiance, voire leur colère, vis-à-vis d’un monde politique qu’ils savent corrompu.
Parmi les législateurs vaccinés, certains ont moins de 75 ans, selon les médias libanais, dont le vice-président du Parlement, Elie Ferzil (71 ans), qui a déclaré dans un tweet qu’il s’était inscrit dès la fin janvier pour recevoir le vaccin, sur la plateforme numérique créée à cet effet par le gouvernement.
« Indignation »
Un peu plus tard, mardi, la président de la République a indiqué dans un communiqué que le chef de l’État, Michel Aoun (86 ans), ainsi que son épouse et 10 personnes de leur entourage, avaient également reçu leurs vaccins, après s’être inscrits sur la plateforme de vaccination en ligne.
Chose que n’ont pas respecté d’autres personnalités politiques. « De nombreuses violations ont eu lieu dans les centres de vaccination », a ainsi déclaré Sharaf Abou Sharaf, le président de l’Ordre des médecins du Liban. Certain(e)s, qui n’étaient pourtant pas enregistré(e)s sur les listes de la première phase de la campagne de vaccination, ont ainsi pu recevoir « leur » dose.
Selon l’agence de presse américaine Associated Press (AP), « les Libanais s’attendaient à ce que le lancement du vaccin soit entaché de corruption et de violations de toute sorte, mais la nouvelle de la vaccination des législateurs dans un bâtiment utilisé par le corps législatif a provoqué une nouvelle indignation parmi la population ».
Abdul Rahman Bizri, qui dirige le comité chargé de superviser la campagne de vaccination, avait prévu de démissionner en signe de protestation, mardi, avant de changer d’avis un peu plus tard, déclarant que son comité tiendrait une réunion le lendemain pour assurer le suivi de l’affaire.
« Ce qui s’est passé aujourd’hui est scandaleux et ne devrait pas être répété », a-t-il déclaré. Ajoutant que le plan national de vaccination, au Liban, exigeait que les gens se fassent vacciner dans des centres prédéterminés, sans favoritisme.
Crise financière
« Tout le monde doit s’inscrire et attendre son tour ! #nowasta », a de son côté tweeté le directeur régional de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha, utilisant un terme libanais avertissant qu’il ne devait pas y avoir de népotisme dans l’octroi du vaccin.
La BM est l’un des principaux bailleurs de fonds de la campagne libanaise contre le Covid-19, qui a débuté le 14 février dernier, et a approuvé à ce titre l’octroi de 34 millions de dollars afin de payer les vaccins destinés à deux millions de personnes. La suspension de son aide aurait de graves conséquences pour le gouvernement, à court de liquidités, le Liban traversant une crise financière et économique sans précédent.
Le « pays du Cèdre », où résident quelque 6 millions d’individus, dont un million de réfugiés syriens, a enregistré plus de 356 000 cas de coronavirus et 4 387 décès, depuis que le premier cas a été enregistré en février de l’année dernière. Une récente augmentation du nombre de cas a submergé les hôpitaux qui luttent déjà pour faire face à la grave crise financière que traverse le pays.
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Crédits photo : un homme attend son tour pour recevoir le vaccin de Pfizer-BioNTech contre le Covid-19, à l’hôpital Saint George, à Beyrouth, au Liban (AP Photo/Hussein Malla).
