Amel Chekkat : « Le combat féministe en Algérie manque de reconnaissance »

La militante pour les droits des femmes en Algérie a accepté de répondre à quelques question du « Monde arabe ».

« Les Algériennes ont toujours pris part à part entière aux luttes qui se jouent en Algérie. […] Et c’est en cela que l’égalité hommes-femmes est plus que nécessaire, car rien ne doit différencier un homme d’une femme en Algérie au regard de la loi et des droits », estime Amel Chekkat, tandis qu’avait lieu, dimanche dernier, une nouvelle manifestation à Paris contre le pouvoir algérien.

LMA : Beaucoup de militantes féministes algériennes ont brandi des slogans appelant à la révision du code de la famille algérien. Qu’avez-vous à dire sur ce code et selon vous qu’y a-t-il à amender ?

AC : Le Code de la Famille est surnommé le « Code de la Honte ». Il fait de la femme algérienne une « mineure à vie », c’est-à-dire qu’elle est régie par une multitude d’articles de loi issus de la Charia islamique , et qui ne lui garantissent pas l’égalité avec les Hommes  devant la loi. Les activistes algériennes réclament l’abrogation totale de ce Code de la Honte.

Comment jugez-vous la situation actuelle des femmes en Algérie ? Quid de leur combat ?

Les femmes algériennes vivent dans une société patriarcale, l’espace public, sauf dans certaines grandes villes ne leur appartient pas, mais il ya une relève assurée par une nouvelle génération de jeunes femmes, qui , empruntant le chemin qu’ont balisé leurs aînées, sont conscientes qu’une Algérie de Droit sera une Algérie égalitaire.

Un mot sur l’agression de féministes pendant les récentes manifestations en Algérie ?

Les agressions des féministes lors des dernières manifestations en Algérie sont le signe que la société algérienne souffre encore des manquements et de la faillite de l’Etat algérien pour affirmer la place de la femme dans la Société. Ces agressions sont également le signe d’une société violente ou qui banalise les violences envers les femmes. Le mot « féministe », pour certains hommes et même des femmes, est un mot péjoratif, reléguant la femme qui réclame l’égalité à une sorte de bête curieuse qui ne fait pas partie du peuple algérien. On a beaucoup entendu « ça n’est pas le moment » pour les droits des femmes, mais quand est-ce vraiment le moment ? Les droits des femmes sont à part entière à inscrire dans la lutte pour les droits humains, et toute convergence des luttes en Algérie passera par les droits des femmes.

A Paris, vous avez aussi manifesté pour l’égalité des droits en faveur de la femme algérienne. Des commentaires ?

A Paris, nous avons constitué un « carré femmes » à la Place de la République, avec le collectif APEL-Egalité, qui existe depuis plus d’un quart de siècle, et dont ma mère a été présidente et membre fondatrice, je trouve cela logique de reprendre le flambeau de nos aînées et de démontrer que même dans la diaspora, nous continuons à faire écho aux revendications des femmes algériennes.

Pensez-vous qu’on puisse aspirer en Algérie à une plus grande place occupée par les femmes dans les hautes sphères décisionnelles ?

Cela prendra du temps, et un changement dans les lois et les mentalités EST INDISPENSABLE pour arriver à une plus grande représentation des femmes dans les sphères décisionnelles.

Que manque-t-il au combat féministe algérien ?

Le combat féministe algérien manque de reconnaissance, il est pourtant le plus élémentaires des combats : celui pour l’égalité devant la loi. La place de la religion dans la vie des algériens freine également l’accomplissement et l’écoute de ces revendications. Le modèle tunisien, où les femmes ont arraché l’égalité, est perçu comme salutaire pour les féministes, et comme diabolique pour leurs détracteurs. La route est encore longue et passera par l’évolution des mentalités grâce à la nouvelle génération de femmes.

Qu’apportera concrètement la femme algérienne au mouvement de révolte anti système actuel ?

La femme algérienne apportera ce que l’homme algérien apportera. Les Algériennes ont toujours pris part à part entière aux luttes qui se jouent en Algérie, notamment le Mouvement de libération national, et c’est en cela que l’égalité hommes-femmes est plus que nécessaire, car rien ne doit différencier un homme d’une femme en Algérie au regard de la loi et des droits.

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Propos recueillis par Mounira Elbouti

 

Crédits : PHOTOPQR/LA PROVENCE/MAXPPP

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