Dans une tribune, le chef des partis arabes a affiché son soutien à Benny Gantz, arrivé en tête aux législatives du 17 septembre.
Après 27 années de tergiversations, les partis politiques arabes d’Israël, qui ont toujours refusé de s’impliquer dans les affaires internes de l’Etat hébreu – ce qui équivalait selon eux à donner leur accord tacite à la politique palestinienne de Tel-Aviv -, ont désigné Benny Gantz comme « leur » leader politique pour former un gouvernement. Alors que les législatives du 17 septembre dernier n’ont offert de majorité ni à Benjamin Nétanyahou (31 sièges) ni au chef du parti centriste Bleu Blanc (33 sièges) – les deux candidats obtenant in fine, avec leurs propres soutiens, respectivement 56 et 55 sièges -, le président israélien, Reuven Rivlin, chargé de désigner celui qui doit diriger la nouvelle équipe exécutive, se trouve dans l’impasse. Ce qui n’a donc pas empêché les formations arabes de sortir de leur silence pour affirmer clairement leur choix.
« Un aspect historique indiscutable »
Ayman Odeh, le leader de la Liste unifiée (13 sièges, soit la troisième force politique israélienne), s’est même fendu d’une tribune dans le New York Times, dimanche dernier, dans laquelle il affirme que « les citoyens arabes palestiniens d’Israël ont choisi de rejeter le Premier ministre Benjamin Nétanyahou, sa politique de peur et de haine, ainsi que l’inégalité et la division qu’il a fait progresser au cours de la dernière décennie. […] Le gouvernement israélien a fait tout ce qui était en son pouvoir pour rejeter les citoyens arabes palestiniens, mais notre influence n’a fait que croître », ajoute-t-il. Selon lui, le « changement » s’avère « impossible sans [les populations arabes d’Israël] », qui ont « une place dans ce pays » comme l’ont d’ailleurs reconnu « les partis de centre-gauche israéliens » qu’il cite.
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Dimanche soir, Ayman Odeh a pu adresser cette requête pro-Gantz en personne à Reuven Rivlin, lors d’une réunion retransmise en direct. « Ce que nous réalisons maintenant a un aspect historique indiscutable », a-t-il notamment déclaré, traduisant ainsi l’impatience des citoyens arabes à s’intégrer davantage dans la société israéliennes. Et à voir leurs préoccupations prises en compte par les législateurs de la Knesset (le Parlement israélien). Une sortie médiatique qu’a moyennement goûtée le Premier ministre sortant, qui a répondu avec fureur à la recommandation adressée par le leader de la Liste unifiée en poursuivant une campagne « anti-arabe » comme si les législatives n’avaient pas encore eu lieu…
« Fin de carrière politique »
« Il y a maintenant deux options, a déclaré Benjamin Nétanyahou dans un clip vidéo, peu après la réunion entre les membres de la formation arabe et le président israélien. Soit il y aura un gouvernement minoritaire qui comptera sur ceux qui rejettent Israël en tant qu’Etat juif et démocratique, glorifiant les terroristes qui assassinent nos soldats et nos civils, soit il y aura un vaste gouvernement national. » Ou comment surfer sur la rengaine anti-arabe que « Bibi » a adoptée il y a quelques années pour plaire aux franges extrêmes de son parti. Lui qui, juste avant le scrutin du 17 septembre, accusait les politiques arabes d’essayer de « voler » les élections, le Premier ministre souhaitant même placer des caméras dans les bureaux de vote arabes.
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« L’été dernier, M. Nétanyahou a déclaré que les citoyens arabes palestiniens d’Israël, qui représentent un cinquième de la population, seraient officiellement des citoyens de seconde zone, rappelle Ayman Odeh dans sa tribune. ‘‘Israël n’est pas l’Etat de tous ses citoyens’’, a écrit [le Premier ministre] sur Instagram après avoir adopté la loi de l’Etat-nation. [Qui mentionnait pour rappel que] ‘‘selon la loi fondamentale sur la nationalité que nous avons adoptée, Israël est l’Etat-nation du peuple juif, et seulement lui’’ ». C’est donc le cœur et les souvenirs gonflés de revanche que le leader des partis arabes a proclamé, après les élections, que celles-ci devaient siffler « la fin de [la] carrière politique [de Nétanyahou] ». Si celui-ci ne parvient pas à accéder à un gouvernement, quel qu’il soit, la justice pourrait de toute manière jouer les arbitres : le Premier ministre risque d’être inculpé dans plusieurs affaires de corruption. (Verdict début octobre.)

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