Certains habitants de Ceuta, notamment, ont ouvert leurs maisons pour héberger les Marocains bloqués à cause du Covid-19.
A contre-courant des vagues migratoires qui parsèment l’Afrique du Nord depuis des années, des travailleurs marocains, bloqués en Espagne depuis deux mois, supplient leur propre gouvernement de les laisser… rentrer chez eux, au Maroc. La plupart d’entre eux étaient partis travailler dans l’enclave nord-africaine de Ceuta, un jour de mars, pensant qu’ils seraient de retour le soir-même. Sauf que, crise du coronavirus oblige, ils se sont retrouvés piégés par la fermeture inattendue des frontières marocaines, une mesure prise pour éviter que le virus ne se répande.
Une situation que certains ont très mal vécue, obligés de dormir dans des parkings, des gymnases, des mosquées, des églises ou chez leurs employeurs. Des femmes ont même sauté de désespoir dans la mer Méditerranée pour tenter de rentrer chez elles à la nage. Au total, plus de 21 000 Marocains étaient bloqués dans le monde entier, dont un grand nombre dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, qui travaillent dans la construction, le commerce ou comme employés de maison. Des touristes marocains dont les visas avaient expiré se sont même retrouvés dans cette situation, selon l’agence américaine Associated Press (AP).
Situation sanitaire
Enceinte de 9 mois, Houria Douas rendait visite à son frère à Ceuta lorsque le gouvernement marocain a exigé la fermeture des frontières. Coincée dans l’enclave, ne parlant même pas espagnol, elle a donné naissance à son premier enfant dans un hôpital de la région. Le personnel hospitalier « me regardait avec pitié et me disait que c’était entre les mains du gouvernement marocain », a-t-elle déclaré à AP. Elle s’est débrouillée comme elle a pu pour se faire comprendre du médecin et des infirmiers, qui lui ont indiqué que son nouveau-né ne pourrait pas être vacciné parce qu’elle ne possédait pas de papiers de résidente espagnole.
Après des semaines d’attente, bonne nouvelle : le Premier ministre marocain, Saâdeddine El Othmani, annonce que les plans de rapatriement sont « enfin prêts ». Mais les détails ne parviennent que lentement à ceux qui restent coincés en Espagne ; les autorités marocaines affirment qu’elles commenceraient à autoriser les gens à rentrer que lorsque la situation sanitaire au Maroc le permettrait. Certains habitants de Ceuta commencent alors à ouvrir leurs maisons, leurs magasins et leurs garages aux Marocains pris au piège. En Espagne et en France, des petites manifestations sont organisées pour alerter sur leur situation.
Plus de 7 600 cas
Puis vient la délivrance ; le gouvernement marocain autorise ses ressortissants à revenir. Mohammed Benali, ouvrier dans le bâtiment, fait partie des Marocains qui ont pu regagner leur pays, vendredi 22 mai. « Je ne reviendrai plus jamais à Ceuta », lâche-t-il à une journaliste d’AP. « La première chose que je ferai après la quarantaine, c’est faire vacciner mon nouveau-né », affirme de son côté Houria Douas à son arrivée sur le sol marocain. Ce même jour, 190 Marocains ont franchi la frontière, et 58 autres ont suivi le lendemain, selon les autorités espagnoles de Ceuta.
D’après les personnes rapatriées, citées par AP, des centaines de Marocains demeurent « captives » sur le sol espagnol, logés dans des complexes sportifs ou des lieux de culte. Le gouvernement espagnol a affirmé qu’il était en pourparlers avec son homologue marocain pour les rapatrier via un « couloir humanitaire », sans savoir combien de temps cela prendra. La crise du coronavirus, au Maroc, a touché plus de 7 600 personnes et en a tué un peu plus de 200.
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Crédits photo : Vendredi 22 mai, des citoyens marocains attendent leur rapatriement après avoir été bloqués en Espagne à cause de la pandémie de coronavirus (AP).
