Conflit israélo-palestinien : se dirige-t-on vers une crise humanitaire à Gaza ?

Selon l’Agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, 80 % des deux millions d’habitants gazaouis dépendent aujourd’hui d’une aide.

Chose promise, chose due. Israël a rouvert partiellement le terminal de Kerem Shalom, mardi, comme l’avait annoncé quelques jours plus tôt le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman. Fermé depuis le 9 juillet pour répondre aux lancements, depuis l’enclave palestinienne, de cerfs-volants incendiaires vers le territoire israélien, le point de passage, par où transitent les marchandises destinées à la bande de Gaza, ne devrait pas rouvrir totalement, à moins que les affrontements à la frontière entre l’Etat hébreu et Gaza ne cessent. « La réouverture totale du terminal est conditionnée par l’arrêt total de l’envoi de ballons incendiaires et des affrontements près de la clôture » a effectivement affirmé M. Lieberman dimanche dernier.

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Selon lui, le Hamas, le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza, n’a pas complètement cessé ses « activités terroristes ». Ceci alors qu’un cessez-le-feu a été signé dans la nuit de vendredi à samedi, et qu’aucune roquette palestinienne n’a été tirée vers le territoire israélien depuis. Quant au nombre de cerfs-volants incendiaires lancés en direction du sud d’Israël, il aurait également chuté. Les livraisons de carburant et de gaz doit en tout cas reprendre, « en plus des produits alimentaires et des médicaments », d’après le communiqué du ministère israélien de la Défense. De quoi rassurer les Nations unies (ONU), qui craignaient que les restrictions imposées par Tel-Aviv n’aggravent une situation humanitaire déjà très précaire dans la bande de Gaza.

Conséquences de la géopolitique internationale

Depuis plus de dix ans, le territoire étouffe effectivement sous un strict blocus israélien, et selon l’Agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), 80 % des deux millions d’habitants gazaouis dépendent aujourd’hui d’une aide. Ils sont par exemple plus d’1,2 million à nécessiter l’accès aux hôpitaux et aux services de santé vitaux, alors que l’ONU s’alarmait il y a peu des pénuries liées aux restrictions israéliennes affectant les centres de soins, ainsi que les réseaux d’assainissement de l’eau. L’électricité, également, ne s’achemine pas correctement, ce qui provoque de régulières coupures de courant. Sans parler du taux de chômage, qui s’élève à 27 % dans le territoire palestinien, ni de la récente crise de liquidité, qui n’arrange rien à la conjoncture humanitaire.

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La bande de Gaza subit également les conséquences de la géopolitique internationale. Après la reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël, en décembre dernier, l’Autorité palestinienne (AP) a rompu toute relation diplomatique avec Washington. Qui n’a pas manqué en retour d’affirmer qu’elle conditionnait le versement aux Palestiniens de « centaines de millions de dollars » d’aide à leur retour à la table des négociations. Ce sont, depuis, quelque 215 millions de dollars – que les Etats-Unis devaient investir à Gaza et en Cisjordanie en 2018 – qui sont bloqués, alors qu’ils devaient servir à l’aide humanitaire et au développement de ces territoires. La somme, toutefois, serait actuellement réexaminée, selon l’administration américaine.

Climat d’extrême méfiance

Mais la récente escalade, dans le verbe comme dans le geste, entre le Hamas et Israël, pourrait avoir des conséquences graves d’un point de vue humanitaire. La semaine dernière, après plusieurs jours de tension palpable, les deux parties se sont répondues coup sur coup, tuant trois combattants islamistes et un soldat israélien. Et, comme souvent, ont rejeté la faute sur l’autre : « Le Hamas nous entraîne dans une situation où il n’y aura d’autre choix que de s’embarquer dans une opération militaire vaste et douloureuse » a ainsi délcaré Avigdor Lieberman samedi dernier. Le mouvement islamiste estimant de son côté que l’usage de la force contre de « simples » cerfs-volants enflammés – qui ont tout de même brûlé près de 30 kilomètres carrés de terrain – semblait disproportionné.

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La situation a ceci d’inextricable que, pour cesser ces attaques aériennes, le mouvement islamiste exige des contreparties financières et la fin du blocus israélo-égyptien autour de son territoire. Problème : si l’Etat hébreu semble prêt à soutenir le plan d’urgence du coordinateur spécial de l’ONU, Nikolaï Mladenov, pour résoudre la crise humanitaire qui se profile, Tel-Aviv ne fait pas confiance à l’UNRWA et craint que le Hamas détourne les fonds pour financer ses activités militaires. Dans ce climat de méfiance extrême, les Etats-Unis ne dévient pas de leur soutien à Israël : dans une tribune publiée par le Washington Post, jeudi dernier, les négociateurs américains – dont le gendre de Donald Trump, Jared Kushner – ont estimé que le Hamas devait renoncer à la violence et reconnaitre l’Etat d’Israël pour envisager une quelconque avancée.

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