Les parties belligérantes au Yémen doivent de toute urgence retourner à la table des négociations

L’envoyé de l’ONU au Yémen, Martin Griffiths, a déclaré vendredi dernier que l’élan visant à mettre fin à la guerre s’intensifiait.

Selon une note récente de la coordonatrice humanitaire des Nations unies (ONU) au Yémen, Lise Grande, un bombardement sur le marché d’Al-Raqw, dans le district de Monabbih à Saada (nord-ouest), mercredi 20 novembre, aurait fait 10 victimes parmi les civils, et 18 blessés dont un enfant. « Chaque mort, chaque blessure causée par ce conflit est une tragédie », a affirmé quelque peu désemparée Mme Grande, alors que la guerre au Yémen, qui dure depuis plus de 5 ans maintenant, a déjà fait plusieurs dizaines de milliers de morts et fait basculer près de 80 % de la population dans le besoin humanitaire. « Nous partageons nos plus sincères condoléances avec les familles des morts et des blessés, a déclaré la responsable onusienne, tout en appelant les combats [à] cesser maintenant. »

Conditions précaires

Car ce qui se passe au Yémen, selon elle, « n’a aucun sens » – à moins d’y trouver celui de la déraison ? -. Embourbé dans des affrontements entre une coalition saoudienne prêtant main forte au gouvernement yéménite et des rebelles Houthis (chiites) plus ou moins à la solde de l’Iran, le pays souffre de cette géopolitique moyen-orientale belliqueuse et, faut-il le reconnaitre, sans grand espoir de modération. Résultat : 75 de ses districts demeurent « difficiles à atteindre » selon l’ONU, ce qui empêche les travailleurs humanitaires d’y accéder et de fournir des soins à quelque 4,4 millions de personnes (dont 2,2 millions d’enfants). Si bien qu’en 2019, environ 94 000 enfants de moins de 5 ans ont souffert de malnutrition aiguë sévère et 10 millions de Yéménites sont à deux doigts de la famine.

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Des milliers de citoyens ont également fui leurs habitats et leurs villes bombardées pour se réfugier dans des communautés villageoises – qui n’ont cependant pas suffisamment de ressources pour les accueillir. Les conditions de vies, de plus en plus précaires, poussent de nombreux Yéménites à subvenir comme ils le peuvent aux besoins de leur famille (mariages forcés, enrôlement dans des factions armées, etc.). Ce qu’a largement dénoncé Wafa’a Al-Saidy, pharmacienne yéménite et coordinatrice de l’action humanitaire de Médecins du Monde au Yémen, la semaine dernière depuis Paris. Manque d’eau, nourriture hors de prix, soins inaccessibles, maladies (dont le choléra) stagnantes, affrontements toujours présents : « Les Yéménites n’en peuvent plus », assure-t-elle.

Ventes d’armes

Malgré une situation toujours très inquiétante – le Yémen est toujours considéré par l’ONU comme « la plus grave crise humanitaire du monde » -, Martin Griffiths, l’envoyé onusien au Yémen, a déclaré vendredi 22 novembre que l’élan visant à mettre fin à la guerre s’intensifiait, indiquant une baisse de près de 80 % des frappes aériennes dans tout le pays au cours des deux dernières semaines et un cessez-le-feu renforcé dans le port clé de Hodeida (ouest). Le signe, selon lui, « que quelque chose est en train de changer ». Mais encore faudra-t-il raisonner les belligérants. « Nous voulons croire que la communauté internationale a la possibilité de faire pression pour la paix sur les parties au conflit », a de son côté précisé Wafa’a Al-Saidy. Car « l’aide humanitaire ne peut remplacer la paix. Le blocus prend la vie du peuple ! »

Wafa'a Al-Saidy est coordinatrice de l'aide humanitaire au Yémen pour Médecins du Monde.

Selon l’ONG Save the Children, si le conflit ne prend pas fin dans tout le pays, il deviendra désormais très difficile d’atteindre le grand nombre d’enfants reclus dans ces régions rendues inaccessibles par les combats. « Chaque jour, nos équipes travaillent jour et nuit pour se rendre dans les zones les plus difficiles d’accès au Yémen. Cependant, ce travail est souvent entravé par la violence […], déplore le directeur de Save the Children au Yémen, Tamer Kirolos. Les parties belligérantes au Yémen doivent de toute urgence retourner à la table des négociations et œuvrer en faveur d’une paix durable, avec l’aide de la communauté internationale ». Problème, certains de ses représentants semblent davantage concernés par leurs ventes d’armes à l’Arabie saoudite qu’aux Yéménites dans le besoin.

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