L’inculpation de Nétanyahou fait bafouiller le Likoud

De nombreux sondages reflètent la volonté des Israéliens de voir le Premier ministre démissionner.

Dimanche, le Premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, a tenté de retrouver une vie politique « normale », quelques jours après son inculpation pour corruption. Mais un « mur de silence » s’est dressé entre ses ministres et lui, note l’agence Associated Press (AP), alors que les premiers semblaient habituellement loyaux. Un prélude à une période délicate pour le dirigeant israélien ? La bataille judiciaire, en tout cas, s’annonce « longue ». Mais c’est bel et bien son propre parti, le Likoud (droite), qui devrait décider in fine de l’avenir politique de M. Nétanyahou, alors que l’Etat hébreu semble se diriger vers de nouvelles élections législatives.

« Election primaire »

« Une démonstration de soutien de la part de son Cabinet donnerait un coup de pouce à Nétanyahou alors qu’il tente de rallier le parti et le public derrière lui, analyse AP. Jusqu’à présent, les efforts [du Premier ministre] semblent toutefois insuffisants. » Un haut responsable du Likoud, Gideon Saar, a d’ores et déjà annoncé son intention de défier Benjamin Nétanyahou s’il devait y avoir des primaires au sein du parti, tandis que d’autres cadors lui ont tout simplement conseillé de démissionner. Lors d’une réunion politique, dimanche, le principal intéressé n’a fait aucune mention de sa mise en accusation, se focalisant sur les sujets brûlants actuels (Iran, Gaza, etc.).

« Il n’y a pas une seule personne qui pense qu’après une troisième, une quatrième, une cinquième ou une sixième élection, Nétanyahou réussira à former un gouvernement. Il n’y a qu’une seule façon de sauver le pays, de le sortir de cette crise et de maintenir le pouvoir du Likoud, si nous allons aujourd’hui à une élection primaire », a ainsi fulminé Gideon Saar. Le député et ancien ministre (Education, Intérieur) de 52 ans avait déjà critiqué, samedi soir, le Premier ministre, qui avait qualifié les accusations portées contre lui de « tentatives de coup d’Etat » et refusé de facto de passer la main. « Le Likoud est un parti démocratique mais en son sein, il n’y a plus de primaire depuis maintenant plusieurs années. Je serai en mesure de former un gouvernement et d’unir le pays », a-t-il lancé, dimanche, dans une diatribe ouvertement anti-Nétanyahou.

« Subversivité maximale »

Pour certains, il s’agit d’une manœuvre risquée, dans un parti qui accorde une grande importance à la loyauté et qui n’a eu, pour rappel, que 4 dirigeants en plus de 70 ans d’histoire. Les lieutenants du Premier ministre ont alors immédiatement réagi en attaquant Saar, qui n’a « fait preuve d’aucune loyauté et d’une subversivité maximale » selon eux. D’autres personnalités haut placées du gouvernement, comme par exemple Israël Katz, le ministre des Affaires étrangères, Gilad Erdan, le ministre de la Sécurité intérieure, et le président de la Knesset, Yuli Edelstein, peut-être influencées par les sondages montrant qu’une majorité d’Israéliens pensent que Nétanyahou doit se retirer, sont quant à elles restés discrètes.

Tout le monde (ou presque) s’accorde en revanche à dire que la décision du procureur général d’inculper le Premier ministre pour fraude, abus de confiance et corruption a ébranlé le système politique israélien, actuellement paralysé après les deux élections législatives d’avril et septembre derniers, ni Nétanyahou ni son rival centriste Benny Gantz (part Bleu Blanc) n’ayant réussi à former de gouvernement faute de majorité parlementaire. Beaucoup d’observateurs, en Israël, estiment à présent qu’un gouvernement d’unité entre leurs partis, qui contrôlent ensemble la majorité des sièges à la Knesset, serait la meilleure façon de sortir de la crise.

« L’évincer de l’intérieur »

Benny Gantz et ses alliés ont écarté cette possibilité, en raison de l’inculpation de M. Nétanyahou, mais n’ont pas fermé la porte au Likoud pour autant. Autrement dit, si le parti de droite parvenait à désigner un autre leader, il pourrait y avoir un terrain d’entente. Les derniers soutiens du plus ancien dirigeant de l’histoire d’Israël seront-ils acculés au point de le lâcher ? « Presque tous les hauts responsables du Likoud sont d’accord avec Saar. Ils sont d’accord, mais tremblent de peur. Ce sont des héros derrière des portes closes », a imagé Ben Caspit, chroniqueur de Maariv, l’un des principaux quotidiens israéliens. Et à moins d’un sursaut de la part de ses derniers soutiens, qui le pousserait ainsi à démissionner, rien n’oblige Benjamin Nétanyahou à abandonner ses fonctions, contrairement aux maires ou aux ministres.

« La seule façon pratique de le déloger serait donc de l’évincer de l’intérieur, un scénario impensable jusqu’à tout récemment, explique AP. En tant que politicien le plus populaire du parti, Nétanyahou a bénéficié du soutien inconditionnel des hauts responsables du Likoud et de ses membres. Mais s’il devient un boulet électoral, cette loyauté pourrait commencer à s’effilocher. » Un sondage commandé par Channel 13 News après la décision du procureur général a montré que 56 % des citoyens pensent que Nétanyahou devrait démissionner, et seulement 35 % qu’il peut continuer à son poste. « [Le Premier ministre] se bat maintenant pour sa vie et sa liberté personnelle », comme l’écrivait Matti Tuchfeld dans le quotidien pro-Nétanyahou Israel Hayom.

Lire aussi : Israël : fin de carrière pour Benjamin Nétanyahou ?

Partages