La guerre au Yémen a fait, entre 2015 et 2020, plusieurs dizaines de milliers de victimes, dont un très grand nombre d’enfants.
L’actualité de la pandémie de Covid-19 a fini de mettre un couvercle sur la marmite bouillonnante du Yémen dont on parlait déjà peu. Malgré un prétendu cessez-le-feu, après un soi-disant retrait émirati, l’Arabie saoudite continue d’essayer de faire plier le pays. Ces dernières semaines, les Emirats arabes unis (EAU) ont profité du silence assourdissant dû à la pandémie pour poursuivre dans l’ombre leur entreprise de mercenariat et leur stratégie de mort. Plus les mois avancent, et plus l’emploi de tous les moyens pour venir à bout de la résistance houthiste semblent autorisés.
Affaire Khashoggi
La guerre au Yémen, « la plus grave crise humanitaire au monde » selon les Nations unies (ONU), a fait entre 2015 et 2020 plusieurs dizaines de milliers de victimes, dont un très grand nombre d’enfants. Sans les déplacés, environ 2 millions, et les réfugiés, la famine, la pauvreté, le manque d’eau potable, provoqués par les bombardements de la coalition saoudienne, pendant quatre ans, pour un résultat quasi-nul. 70 % de la population n’a plus accès à l’eau potable, 50 % aux soins de santé, et 80 % des Yéménites dépendent de l’aide humanitaire.
Selon le Comité international de la Croix Rouge (CICR), sur les six premiers mois de 2019, ce sont plus de 3 millions d’individus qui ont bénéficié des activités de l’organisation dans le domaine de l’eau, près de 400 000 personnes qui ont reçu différentes formes d’assistance, notamment en matière de nourriture, 7 000 détenus qui ont pu bénéficier d’accès à l’eau potable, 255 000 patients qui ont reçu des soins d’urgence.
Pour Human Rights Watch (HRW), cette guerre « illégale », pour le seul intérêt de Riyad et d’Abou Dhabi, a fait l’objet d’une étude où de nombreux documents prouvent qu’au moins 90 frappes, depuis 2015, visant délibérément des civils, des maisons, des écoles, des hôpitaux, des mosquées, ont bien eu lieu du fait de la coalition internationale : « En 2018, la coalition a bombardé un mariage, tuant 22 personnes dont 8 enfants, et lors d’une autre frappe, un bus rempli d’enfants, tuant au moins 26 d’entre eux. Human Rights Watch a identifié des restes de munitions d’origine américaine sur les sites de plus d’une vingtaine d’attaques, y compris les frappes de 2018 sur le mariage et le bus. »
Pire encore, on évoquait récemment l’utilisation probable d’armes chimiques par le tandem saoudo-émirati. Si l’on en croit les révélations d’un proche ami de Jamal Khashoggi, le journaliste saoudien assassiné le 2 octobre 2018 au consulat saoudien d’Istanbul, parues le 29 octobre 2018, la mort de cette figure d’opposition pourrait bien être liée à la guerre sauvage menée par Ryad chez son voisin. En effet, il semblerait que Khashoggi était sur le point de révéler que le prince héritier saoudien, Mohamed ben Salman (dit « MBS »), aurait utilisé des armes chimiques au Yémen.
Black Shield
Si les informations détenues par Khashoggi avant sa mort se révèlent un jour exactes, l’Arabie saoudite basculerait dans un nouveau degré d’infraction aux règles élémentaires du droit international : la convention sur l’interdiction des armes chimiques de 1997, que Riyad a pourtant signée et ratifiée. Elle pourrait donc se voir poursuivie pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Que dire également de l’existence de cette obscure société, Black Shield, qui rappelle étrangement les heures sombres de l’occupation américaine en Irak, Washington faisant appel aux mercenaires de Blackwater, l’armée privée la plus nombreuse du monde à l’époque ?
Comme les Saoudiens ont envoyé très peu de combattants sur le terrain, les EAU ont créé une structure paramilitaire afin de recruter des combattants étrangers pour les envoyer directement au charbon sur le terrain yéménite. Des jeunes qui viennent du Soudan, du Tchad, d’Ouganda, attirés pour venir se former aux EAU et soi-disant travailler à surveiller les frontières émiraties. En réalité, il n’en est rien. Pour un salaire d’un peu plus de 300 dollars par mois, on leur confisque leurs papiers et leur téléphone avant de les mener au front : au Yémen, mais aussi en Libye. Et bien souvent, ils ne reviennent jamais.
Que peut-il arriver de pire encore au Yémen ? Les ravages du coronavirus ? A ce jour, un seul cas a été décelé. Un seul cas officiel, bien entendu, vu l’opacité qui règne dans le pays en termes d’informations et qu’aucun test n’y est réalisé. Le Yémen, qui vient de pénétrer dans sa sixième année de conflit, est bien loin des préoccupations qui rongent aujourd’hui l’Occident.
