Rorik Dupuis Valder revient dans sa tribune sur les mesures de quarantaine et de port du masque prises dans certaines villes.
Les jeunes des quartiers populaires de Salé, ville jumelle de Rabat, la capitale du Maroc, vivent un cauchemar. Alors qu’ils célébraient leur liberté retrouvée après avoir été claquemurés, désocialisés et déscolarisés pendant trois mois de confinement général, se remettant doucement et courageusement des diverses séquelles psychologiques liées à la captivité, la promiscuité, aux conflits familiaux et au désœuvrement imposé, voilà que les « autorités sanitaires » décidaient sans autre forme de procès, ce 15 août, de siffler la fin de la récréation en infligeant de nouveau aux populations arrogamment désignées par les médias et leurs sujets comme étant « indisciplinées », une mise en quarantaine « à durée indéterminée » dans de nombreux quartiers de la ville, comme cela fut le cas quelques jours plus tôt à Safi, Tanger, Marrakech ou Casablanca.
Comment expliquer le sadisme et l’extrémisme d’une telle décision sinon par le dangereux excès de zèle bureaucratique d’une instance inconnue et proprement totalitaire, qui entend ainsi privilégier la petite mort de la collectivité à l’ambition de la vie ?
Racisme sanitaire
Alors que la grande plage publique de Salé avait retrouvé son ambiance estivale, son public familial, ses jeunes gens venus se dépenser, échanger, se confronter et s’aimer, n’appliquant là intuitivement que les lois de la nature humaine, comblant des besoins grégaires et physiologiques fondamentaux, celle-ci était à nouveau tristement déserte dès cette après-midi du 15 août, condamnée telle une zone minée en temps de guerre ; les braves agents de police en poste aux différents checkpoints semblant quelque peu confus au vu de l’absurdité et l’injustice manifestes de telles mesures antipopulaires…
Comment justifier par ailleurs ce coup de grâce porté à tous les petits commerçants, restaurateurs, cafetiers, artisans sur la paille, qui se voient contraints de baisser une nouvelle fois leur rideau, malgré de douloureux efforts de précaution et de relance économique ?
On ne peut évidemment pas en vouloir aux forces de police, qui ne font que suivre des directives sanitaires pour les uns, dérives sécuritaires pour les autres, et dont personne ne connaît l’origine réelle ou n’ose questionner publiquement le bien-fondé, sous le prétexte trop arrangeant de l’omniscience d’un pouvoir décisionnaire invisible. C’est d’ailleurs la force de cette jeune police de proximité, sous-payée mais disponible et — hormis quelques fayots névrosés — majoritairement solidaire des intérêts du peuple ; celle-ci subissant, comme tout le monde, l’aberration de la situation.
Comme si l’augmentation, toute relative, du nombre de contaminés — que l’institution médicale marocaine traite efficacement depuis le début de l’épidémie à l’hydroxychloroquine entre autres — était une raison suffisante pour maintenir dans la paranoïa et la dépression des milliers de citoyens qui ne demandent qu’à vivre en paix. En quoi une infime minorité de personnes malades ou potentiellement fragiles (qu’il suffit d’isoler anonymement à domicile !) devrait-elle condamner si radicalement une écrasante majorité de personnes saines et résistantes ?
Il s’agit bel et bien là d’une nouvelle forme de discrimination sociale : le racisme sanitaire, qui se sert du discours public d’autorité, vaseux et doctrinaire, de « personnalités de la médecine » soumises à quelque lobby politique ou pharmaceutique pour ôter à des populations entières, en un scandaleux abus de pouvoir dissimulé, les libertés fondamentales de réunion, de circulation et bientôt d’expression !
« Perdre la face »
Il en va de même pour le port obligatoire du bâillon dans l’espace public. Comment souscrire à un tel projet de société, irrationnel et proprement dystopique, où l’on contraint le monde à participer à ce carnaval morbide qui rend illisibles les sourires des enfants et censure de façon obscène les visages, « miroirs de l’âme », pour reprendre la formule de l’illustre Cicéron… L’utilité même du masque facial n’a jamais été prouvée ; bien au contraire, sa généralisation ne ferait qu’alimenter la psychose ambiante pour de nombreux médecins et spécialistes, qui eux, étrangement, ne bénéficient jamais de la sacro-sainte tribune médiatique !
En réalité, les questions du masque, du confinement, du choix d’un traitement ou d’un potentiel vaccin, n’ont rien de médical. Comme le dit l’éminent Professeur français Didier Raoult, il s’agit là de questions d’ordre politique, tant la menace virale reste, comme beaucoup d’autres, inconnue et volatile. Car devant les incertitudes actuelles de la médecine et les éternels aléas de la vie en collectivité, c’est bien la bureaucratie en place qui fait le choix de la peur, de la menace et de l’humiliation, se servant d’une nouvelle police de la pensée, à travers des médias peu ou prou unanimement aux ordres, pour réprimer et criminaliser toute forme d’esprit critique.
« Perdre la face », c’est ainsi que l’on pourrait redéfinir sociologiquement l’acceptation individuelle du port obligatoire du masque. Les gens sont-ils donc si peu fiers au point d’abandonner toute recherche de sens, et se livrer corps et âme au grand cinéma du Paranoïd-19 en refusant l’innommable évidence par le confort mesquin du dogme politico-médiatique ? Les penseurs résistants et lanceurs d’alerte, enquêteurs comme scientifiques, seront-ils bientôt jetés en prison démocratique pour « complotisme aggravé » ?
Quand les regards de défiance des bons petits soldats masqués à l’égard des valeureux insoumis croisés ici et là se chargent d’une inexplicable hostilité, en une tension sociale préfigurant quelque guerre civile de l’absurde, c’est à ce moment-là qu’il convient réellement de s’inquiéter… Bientôt le lynchage public des sans-masques et des anti-vaccins, que la bien-pensance sanitaire aura désignés comme les nouveaux terroristes épidémiques, par la meute citadine bâillonnée ! Elle est belle, la civilisation. Du bonheur d’être berbère dans le silence ancestral et les splendeurs abruptes de l’Atlas en temps de Covid-19…
Dictature sanitaire
Lorsqu’on se rend compte du climat incroyablement délétère qui règne actuellement en France et ailleurs, où la délation, la suspicion bornée et la soumission quasi intégrale de la population se nourrissent d’une presse sadique et scandaleusement belliqueuse, il faut espérer que le Maroc sache résister, d’une part, à la crainte de synthèse et aux diktats sanitaires mondialistes, et que son peuple, d’autre part, trouve le courage de se défaire de la perversité des propagandistes médiatiques à la manœuvre.
Au moins le peuple marocain semble-t-il conserver un fond de lucidité, ou de l’esprit et de l’ouverture nécessaires devant cette gigantesque opération de contrôle des libertés que le seul bon sens suffit en fait à désamorcer. Enfin soyons sérieux un instant : sans parler de responsabilité, de quel côté se situerait la raison ? Du côté de ceux qui vivent, pensent et se font mutuellement confiance, ou de ceux qui musellent et séquestrent les enfants ? À vous de voir.
Car un monde qui sacrifie ainsi sa jeunesse, en l’enfermant et en la privant de besoins d’instruction et d’interactions sociales des plus basiques, d’un développement cognitif et physiologique élémentaire, est un monde profondément malade ; pas plus malade du Covid-19 que de la famine, de la malbouffe, de la pollution ou de la violence, non, un monde atteint, beaucoup plus largement, de ce mal du pouvoir qui ressemble de façon troublante à la prophétie orwellienne, pour qui sait observer et penser.
Alors à tous les petits kapos psychorigides, perdus et abrutis par le média autocratique, sagement confinés et aseptisés jusqu’à la moelle, qui n’hésitent pas à traiter de « chiens » leurs concitoyens des quartiers pauvres et ces jeunes « incivilisés » naturellement et légitimement confiants, ne faisant que profiter pleinement des joies de l’été et de l’enfance, l’on pourrait soumettre cette question rhétorique : qui, d’ordinaire, se fait museler et renvoyer à la niche sous la menace des coups ? Qui est le plus « responsable », l’homme libre ou l’esclave consentant ? Qui sont donc les plus « civilisés », les acteurs de la démocratie ordinaire ou les partisans de la dictature sanitaire ?
Le Maroc doit rester éveillé, à l’image de ces jeunes gens fiers et vigoureux ; céder à la phobie de l’inconnu reviendrait à s’exposer définitivement aux prédateurs et fauteurs de guerre à l’œuvre. Car l’inconnu est partout, tout le temps, inexorablement, avec ou sans l’énième virus officiel de la peur. Et c’est bien lui, l’inconnu, qui amène les plus belles rencontres et permet les plus beaux espoirs. Pour l’ordre naturel des choses, pour la souveraineté des peuples, la survie économique et l’audace du progrès social. Que l’on prenne donc le risque de vivre !
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Crédits photo : Le Maroc renforce ses mesures de contrôle de l’épidémie dans les principales villes du pays. Le Courier de l’Atlas

Reporter photographe indépendant et enseignant basé au Maroc, Rorik Dupuis Valder a notamment exercé en Égypte auprès des enfants des rues, s’intéressant particulièrement aux questions liées à l’éducation, la protection de l’enfance et aux nouvelles formes de colonialisme.