Le Soudan échappe de peu à la guerre civile, selon l’ONU

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26.11.2021

Le Soudan est aux prises avec sa transition démocratique depuis le renversement militaire d’Omar el-Béchir en 2019.

L’accord conclu au Soudan pour réintégrer le Premier ministre à la suite du coup d’État militaire est imparfait mais a évité au pays de sombrer dans la guerre civile, a déclaré vendredi l’envoyé des Nations unies (ONU) au Soudan. Volker Perthes, qui s’est entretenu par visioconférence avec l’agence américaine Associated Press (AP), évoquait l’accord conclu entre les chefs militaires soudanais et le Premier ministre Abdallah Hamdok, destitué et assigné à résidence à la suite du coup d’État du mois dernier qui a suscité un tollé international.

Contrôle de l’armée

La prise de pouvoir par les militaires menaçait de faire échouer le processus de transition démocratique dans lequel le pays s’était engagé depuis l’éviction de l’autocrate Omar el-Béchir. L’accord, signé dimanche, a été considéré comme la plus grande concession faite par le plus haut responsable militaire du pays, Abdel Fattah al-Burhan, depuis le coup d’État.

Cependant, les groupes pro-démocratie du pays l’ont rejeté comme illégitime et ont accusé Hamdok de se permettre de servir de « feuille de vigne » pour le maintien du régime militaire. « L’accord n’est bien sûr pas parfait, a déclaré M. Perthes. Mais c’est mieux que de ne pas avoir d’accord et de continuer sur une voie où les militaires seront finalement les seuls à gouverner ».

Les deux signataires se sont sentis obligés de faire des « concessions amères », afin d’épargner au pays le risque de plus de violence, de chaos et d’isolement international, a-t-il ajouté. « Il n’aurait pas été possible d’arrêter un scénario qui aurait amené le Soudan à quelque chose de proche de ce que nous avons vu au Yémen, en Libye ou en Syrie », a déclaré M. Perthes.

Le Soudan est aux prises avec sa transition vers un gouvernement démocratique depuis le renversement militaire d’Omar el-Béchir en 2019, à la suite d’un soulèvement de masse contre trois décennies de son règne. L’accord que le Premier ministre soudanais a signé avec les militaires prévoit un cabinet indépendant de technocrates dirigé par lui-même jusqu’à l’organisation de nouvelles élections. Le gouvernement restera sous le contrôle de l’armée, même si M. Hamdok affirme qu’il aura le pouvoir de nommer les ministres.

Liberté totale

L’accord stipule également que tous les détenus politiques arrêtés à la suite du coup d’État du 25 octobre seront libérés. Jusqu’à présent, plusieurs ministres et hommes politiques ont été remis en liberté. Le nombre de ceux qui sont encore en détention reste inconnu. Mais les choses avancent. « Nous avons maintenant une situation où nous avons au moins un pas important vers la restauration de l’ordre constitutionnel », a en effet déclaré M. Perthes.

Depuis la prise du pouvoir militaire, en octobre dernier, les manifestants sont descendus dans la rue à plusieurs reprises dans le cadre de certaines des plus grandes manifestations de ces dernières années. Les forces de sécurité soudanaises ont réprimé ces rassemblements et ont tué plus de 40 manifestants à ce jour, selon des groupes d’activistes. D’autres mesures doivent être prises pour prouver la viabilité de l’accord, a déclaré M. Perthes, notamment la libération de tous les détenus, la cessation du recours à la violence contre les manifestants et la liberté totale de M. Hamdok de choisir les membres de son cabinet.

Jeudi, des milliers de personnes se sont rassemblées à Khartoum et dans plusieurs provinces soudanaises pour réclamer un gouvernement entièrement civil et protester contre l’accord. Des militants ont diffusé sur les médias sociaux des vidéos montrant des tirs de grenades lacrymogènes sur les manifestants.

Toutefois, la police soudanaise a déclaré que les manifestants avaient lancé des cocktails Molotov et lancé des pierres sur deux postes de police dans la capitale soudanaise et à Omdurman, blessant plus de 30 policiers. Dans un communiqué publié jeudi soir, les autorités ont déclaré avoir arrêté 15 personnes.

 

Crédits photo : Des milliers de manifestants descendent dans la rue pour renouveler leur demande d’un gouvernement civil dans la capitale du Soudan, Khartoum, jeudi 25 novembre 2021 (AP Photo/Marwan Ali).

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