Doha aurait fait appel à Kevin Chalker pour espionner, notamment, les membres de la FIFA, selon AP.
A un an de « son » mondial de football, le petit émirat du Qatar, sous le feu des projecteurs, essuie de plus en plus de critiques à l’international. Dont la plupart intéresse l’événement sportif le plus populaire de la planète. L’agence américaine Associated Press (AP) vient par exemple de révéler que Doha emploie depuis des années un ancien agent de la CIA, pour l’aider à espionner les responsables du football, afin de « conserver » le droit d’organiser la Coupe du monde de football dans un an.
Surveiller les voix critiques
Rien de très nouveau ni surprenant, tempère AP. Le recrutement d’anciens agents du renseignement américain est monnaie courante, d’autant plus chez les « gouvernements étrangers dont le bilan en matière de droits humains est douteux » – ce qui est le cas du Qatar, pointé du doigt pour le traitement de ses travailleurs immigrés, notamment, dont plusieurs centaines sont morts sur les chantiers du Mondial. En revanche, certains membres du Congrès américain ont réclamé que la lumière soit faite.
« La Coupe du monde est le tournoi sportif le plus populaire de la planète. C’est aussi l’occasion pour le Qatar, l’un des pays les plus riches du monde, de faire son entrée sur la scène internationale », explique AP.
L’enquête de l’agence américaine a révélé que le Qatar a cherché à obtenir un avantage dans l’obtention des droits d’organisation en engageant un ancien officier de la CIA devenu entrepreneur privé, Kevin Chalker, pour espionner les équipes concurrentes et les personnes qui devaient choisir le pays vainqueur, en 2010. M. Chalker a également travaillé pour le Qatar, dans les années qui ont suivi, afin de surveiller les voix critiques vis-à-vis du pays dans le monde du football, selon l’AP.
Et pour parvenir à ses fins, l’ex-CIA de mettre en place tout un tas de stratégies – parfois un brin scabreuses. Quand il ne chargeait pas une personne de se faire passer pour une photojournaliste, afin de surveiller la candidature d’un nation rivale, il demandait à quelqu’un de se créer un faux compte, sur un réseau social, et se faire passer pour une « femme séduisante », rapporte AP, afin de se rapprocher d’une cible.
« Cela faisait partie de sa mystique »
Kevin Chalker ne s’est pas arrêté là. Puisqu’il a également promis qu’il pourrait aider le Qatar à « maintenir sa domination » sur la vaste population de travailleurs étrangers dans l’émirat, selon un document interne de l’une des sociétés de l’ancien agent examiné par l’AP. La même main-d’œuvre étrangère que celle qui fut réquisitionnée pour construire les stades et autres infrastructures du Mondial qatari.
L’AP a examiné des centaines de pages de documents provenant des entreprises de Kevin Chalker, y compris un rapport de mise à jour du projet de 2013 qui comportait plusieurs photos du personnel de l’ancien agent rencontrant divers responsables du football. Plusieurs sources ayant un accès autorisé ont fourni des documents à l’AP. Les sources ont déclaré qu’elles étaient troublées par le travail de Chalker pour le Qatar et ont requis l’anonymat par crainte de représailles.
D’anciens associés affirment que les sociétés de M. Chalker ont fourni divers services au Qatar, en plus du travail de renseignement. Sa société Global Risk Advisors, par exemple, se présente comme « un cabinet de conseil stratégique international spécialisé dans la cybersécurité, la formation des militaires et des forces de l’ordre, et les services de conseil basés sur le renseignement ». Ses filiales ont remporté de petits contrats avec le FBI pour un cours de formation à la corde et des travaux de conseil en technologie pour le Comité national démocrate.
Chalker a travaillé à la CIA en tant qu’officier des opérations pendant environ cinq ans, selon d’anciens associés. Les officiers d’opérations travaillent généralement sous couverture en essayant de recruter des agents pour espionner au nom des États-Unis. La CIA a refusé de faire des commentaires et n’a pas l’habitude de parler de ses anciens officiers. L’expérience de Chalker au sein de la CIA était attrayante pour les responsables qataris, ont déclaré ses anciens associés. « Cela faisait partie de sa mystique », selon l’un d’entre eux.
Crédits photo : Mohammed ben Hamad Al-Thani (gauche), président du comité de candidature du Mondial 2022, et cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani, émir du Qatar, tiennent le trophée de la Coupe du monde devant le secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, après l’annonce que le Qatar accueillera la Coupe du monde de football 2022, le 2 décembre 2010, à Zurich, en Suisse (AP Photo/Anja Niedringhaus).
