Care alerte sur la situation humanitaire catastrophique dans le nord-ouest de la Syrie, alors que les affrontements se poursuivent.
Malgré les cris de détresse des organisations humanitaires qui œuvrent dans la région d’Idlib, l’escalade de violence « sans pareille » se poursuit dans le nord-ouest de la Syrie, révèle l’ONG Care, présente en Syrie depuis 2014. Une ville après l’autre, les bombardements détruisent tout et l’on assiste, aux confins de la Syrie et de la Turquie, qui se trouve à quelques kilomètres de là, « à la plus rapide et plus importante vague de déplacement de population depuis le début du conflit », estime l’organisation. Un million de personnes ont dû fuir leur maison ou abri, à Idlib, depuis le mois de décembre, dont 350 000 uniquement durant la première semaine de février.
« Nous manquons de tout »
Problème, les camps de déplacés manquent cruellement de place pour accueillir tout le monde. Et beaucoup dorment dehors. « A chaque nouvelle offensive depuis 2011 – Alep, la Ghouta – nous pensons vivre le pire, mais les frontières de l’horreur sont chaque fois repoussées, estime Tue Jakobsen, directeur adjoint de l’ONG Care en Turquie. Aujourd’hui, c’est l’apocalypse. Les camps de déplacés débordent, il n’y a plus assez de tentes. On estime que 450 000 personnes n’ont pas d’abris et dorment donc dehors, au bord des routes, dans les champs d’oliviers, alors qu’il neige. Des dizaines de personnes, adultes et enfants, sont déjà mortes de froid. La situation est cauchemardesque, cela dépasse l’entendement », alerte-t-il.
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Rien ne semble pouvoir arrêter les forces armées syriennes, qui fondent sur la région d’Idlib, dernier bastion d’opposition du pays, pour y déloger les combattants rebelles et djihadistes, soutenus par l’armée turque. Une entreprise que Bachar al-Assad ne pourrait mener sans un appui aérien sans faille de son allié russe. « Les bombardements ne font pas de distinction. On déplore des centaines de civils tués et beaucoup d’infrastructures civiles détruites », affirme Care dans son communiqué. Rien qu’en 2019, il y a eu 85 attaques contre des hôpitaux et des établissements de santé dans le nord de la Syrie. Parfois volontairement visés.
« Un hôpital à côté d’une maternité que nous dirigions a été bombardé trois fois de suite. Vous ne pouvez pas dire que vous avez bombardé par erreur la même cible trois fois de suite. Ce n’est pas une coïncidence, c’est une tactique, estime Tue Jakobsen. Si nous avons du mal à répondre à l’ampleur des besoins humanitaires, ce n’est pas seulement dû au nombre très élevé de personnes dans le besoin, c’est aussi à cause de ce genre d’attaques qui détruit des infrastructures vitales et paralyse donc les actions humanitaires médicales. » « Nous faisons tout pour acheminer de l’aide vers la région d’Idlib […]. Mais les besoins augmentent si vite, je n’ai jamais vu ça. Nous manquons de tout. »
Zone de désescalade
« Il est crucial de briser le cercle vicieux de la violence et de la souffrance. J’ai appelé à plusieurs reprises à un cessez-le-feu immédiat à Idlib pour mettre fin à la catastrophe humanitaire et maintenant aussi pour éviter une escalade incontrôlable », a déclaré Antonio Guterres lors d’un point de presse au siège des Nations unies (ONU), à New York, vendredi dernier. « Il n’y a pas de solution militaire à la crise syrienne. La seule solution possible reste politique […]. Ce cauchemar humanitaire […] doit cesser. Cela doit s’arrêter maintenant », a-t-il ajouté, après avoir rappelé que « des jeunes enfants meurent de froid » dans la région d’Idlib.
Le patron de l’ONU a également tenu à préciser que « les combats progressent désormais dans les zones où les concentrations de population sont les plus élevées », tandis que le droit international humanitaire et la protection des civils demeurent parfaitement ignorer par les belligérants. D’après l’ONU, pas moins de 2,8 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, dans le nord-ouest de la Syrie seulement. Les Nations unies ont révisé leurs plans d’assistance et estiment à présent avoir besoin de quelque 500 millions de dollars afin de venir en aide aux personnes nouvellement déplacées.
Antonio Guterres a rappelé que la zone de désescalade d’Idlib, créée en 2017, avait fait l’objet d’un mémorandum entre la Russie et la Turquie en septembre 2018, le mémorandum de Sotchi. Dès février 2019, pourtant, l’accord commençait à vaciller, malgré plusieurs renouvellement de cessez-le-feu au cours des mois suivants – dont celui du 12 janvier, le plus récent. Aujourd’hui, la situation demeure très critique, alors que Kafranbel, l’une des premières villes à s’être révoltée, en 2011, contre Bachar al-Assad, vient de tomber au mains de Damas. Mardi dernier, au moins 19 civils ont péri dans des bombardements du régime syrien dans la province d’Idlib, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.
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Crédits photo : MOHAMMED AL-RIFAI/AFP
