Les organisations humanitaires sont obligées d’utiliser des ‘‘incitations en cash’’ pour attirer et retenir les agents du secteur public sanitaire.
La crise humanitaire au Yémen, la « pire du monde » selon les Nations unies (ONU) ? Elle est à mettre au « crédit » des acteurs du conflit en cours, mais également des médias, qui n’ont pas braqué suffisamment leurs projecteurs sur le pays, d’après l’International Rescue Committee (IRC). L’ONG, fondée par Albert Einstein en 1933 – initialement pour appuyer les opposants à Adolf Hitler ; aujourd’hui qui vient en aide aux personnes victimes de persécutions en tout genre -, vient de publier un rapport sur l’effondrement du système de santé yéménite. Et, surtout, ses répercutions sur les habitants, qui viennent d’entamer, dimanche, une quatrième année de conflit.

« Au moins 9,8 millions de personnes au Yémen ont un besoin aigu de services de santé, mais seulement 50 % des établissements de santé sont opérationnels. La situation est pire dans les gouvernorats touchés par le conflit, tels que Hodeidah […] et Saada. Cela a donné lieu aux plus importantes flambées de choléra de l’histoire, avec plus d’un million de cas suspects et plus de 2 000 décès associés en janviers 2018 » notent ainsi les auteurs du rapport. Qui alertent également sur la mortalité maternelle au Yémen, « l’une des plus élevées au monde. Selon les dernières données fiables, il y a 385 décès pour 100 000 naissances » – soit un enfant de moins de 5 ans qui meurt toutes les 10 minutes, « de causes évitables ».
Lire aussi : Le Yémen est « la pire crise humanitaire du monde »
« Incitations en cash »
Début mars, c’est le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) qui avait alerté sur la situation au Yémen. « Plus que jamais, le Haut Commissariat accordera la priorité au maintien et au renforcement de sa capacité à mobiliser rapidement, de manière fiable et efficace pour faire face aux situations d’urgence, et à renforcer la protection des personnes relevant de sa compétence, notamment par l’élargissement du programme de financement » s’était-il exprimé. Et le 21 janvier dernier, l’ONU, de concert avec certains partenaires humanitaires, lançait un plan d’intervention humanitaire pour 2018, nécessitant quelque 3 milliards de dollars.

Ceci, donc, pour pallier les carences du gouvernement yéménite. Car « la Banque centrale du Yémen n’a pas été en mesure de payer les salaires des fonctionnaires qui fournissent des services vitaux dans les établissements et centres de santé, parce que la guerre civile a détruit le pilier économique » du pays renseigne l’IRC. Une pénurie de main d’œuvre qui s’étend également aux administrateurs et aux gestionnaires tenus de coordonner la prestation des services, « ce qui mine les interventions régionales et nationales en matière de santé ». Et selon l’ONG, « pour la plupart des interventions sanitaires, les organisations humanitaires sont obligées d’utiliser des ‘‘incitations en cash’’ pour attirer et retenir les agents du secteur public. »
Lire aussi : Les Nations unies lancent un plan d’intervention humanitaire au Yémen
Salve de missiles
Sans parler des problèmes d’eau potable, dont le coût d’approvisionnement a « considérablement augmenté en raison de l’augmentation du coût du pétrole nécessaire pour pomper ou livrer l’eau. » Quant aux infrastructures publiques de distribution d’eau, si la guerre ne les a pas détruites, « ce qui reste est en mauvais état en raison de l’incapacité de l’Etat à couvrir les coûts de réparation et d’entretien » souligne l’IRC. En 2017, le secteur de la santé, de l’eau et de l’assainissement représentait ainsi 16,9 % du total de l’aide humanitaire au Yémen (soit 1,7 milliard de dollars), et la Banque mondiale a investi 1,3 milliard de dollars pour « combler le fossé entre les besoins humanitaires immédiats et les besoins de développement à plus long terme ».
Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs humanitaires – dont l’IRC – appelle à une cessation des hostilités devant inclure des garanties pour la santé, l’eau et les installations sanitaires. Et, tout comme en Syrie, estime l’ONG, « une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l’ONU est nécessaire pour faire respecter le droit international humanitaire en supprimant les obstacles à l’accès humanitaire et pour diriger le processus de paix. » Qui parait, si ce n’est impossible, du moins très lointain. Depuis plus de trois ans, désormais, l’Arabie saoudite, qui pilote une coalition de pays arabes venant en aide au gouvernement yéménite, affronte indirectement l’Iran, soutien des rebelles houthistes. Qui, pour « célébrer » la quatrième année de conflit, ont tiré une salve de missiles sur le territoire saoudien.
Lire aussi : Yémen : vers un débat sur les ventes d’armes françaises ?

Rédacteur en chef