Yémen : qu’est-ce que le Conseil de transition du Sud ?

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27.04.2020

En plus de la guerre entre la coalition saoudienne et les rebelles Houthis, le Yémen affronte un risque de partition entre Nord et Sud.

Dimanche 26 avril, les séparatistes du sud, au Yémen, ont mis fin à un accord établi avec le gouvernement internationalement reconnu du pays, afin de réclamer le contrôle de la région d’Aden, menaçant de faire éclater des combats entre certains alliés. Dans une déclaration, le Conseil de transition du Sud (STC), soutenu par les Emirats arabes unis (EAU) – qui font également partie de la coalition saoudienne intervenant au Yémen contre les rebelles Houthis -, a annoncé, en plus de l’état d’urgence, qu’il gérait désormais la grande zone portuaire ainsi que d’autre provinces du Sud.

« Administration indépendante »

Les séparatistes accusaient le gouvernement du Yémen, soutenu quant à lui par l’Arabie saoudite, de corruption. D’après un porte-parole du STC basé aux Emirats et cité par Al Jazeera, les séparatistes devaient intervenir et reprendre les choses en main, après que les autorités yéménites ont échoué selon lui à venir en aide à la population, alors que près de 20 millions de personnes, au Yémen, ravagé par plus de 5 années de guerre entre la coalition saoudienne et les Houthis, dépendent de l’aide humanitaire.

« L’annonce du STC ne vient pas de nulle part. Il s’agit d’une accumulation de revers de la part du gouvernement, surtout dans le sud du Yémen, délaissé par les Houthis depuis 4 ans à présent. Malheureusement, les choses se sont détériorées sur le plan humanitaire. La situation, en termes de services de base, est très minime », a-t-il affirmé à la chaîne qatarie.

L’annonce des séparatistes menace désormais de rouvrir le conflit entre certains alliés, au sein d’un pays au conflit multifacettes, alors que le ministre des Affaires étrangères du gouvernement internationalement reconnu a déclaré que la décision du STC était une violation de l’entente signée en novembre dernier à Riyad en vue d’un partage du pouvoir au Yémen. « L’annonce du dénommé STC concernant son intention d’établir une administration indépendante au sud équivaut à une reprise de l’insurrection armée », a-t-il dit.

Coalition saoudienne

Selon Abdullah Baabood, professeur au Middle East Institute de l’Université de Singapour, l’échec de cet accord semblait inévitable. La déclaration du STC « sonne le glas de l’accord de Riyad, qui était en réalité mort-né depuis le premier jour, étant donné que chaque partie l’interprétait différemment et avait différents objectifs. Il était clair que ça n’allait pas fonctionner », a-t-il dit à Al Jazeera.

« Les séparatistes et les forces loyales au président Hadi ont combattu ensemble au sein de la coalition saoudienne dans la guerre contre les rebelles Houthis, qui contrôlent la capital, Sanaa, et une bonne partie du Nord, explique la chaîne qatarie. Quand la coalition saoudienne est intervenue en mars 2015 pour combattre les rebelles Houthis qui avaient pris le contrôle de villes-clés, incluant Aden, les séparatistes du Sud s’étaient joints aux forces loyales au président Hadi. »

Yémen

Aden a ensuite été reconquise par ces dernières en juillet 2015, devenant ainsi la capital par intérim du Yémen, tandis que Sanaa demeurait strictement aux mains des Houthis. Mais des tensions sont apparues dans la ville portuaire deux ans après, en avril 2017, lorsque le président Hadi a accusé le gouverneur de la ville, Aidarous al-Zubaidi, de déloyauté et l’a ensuite déchargé de ses fonctions. Le 11 mai de cette année, après des vagues de protestation contre l’éviction d’al-Zubaidi, les séparatistes formaient le STC, avec l’ancien gouverneur d’Aden en tant que président de ce conseil de 26 sièges. Dénoncé immédiatement par Hadi comme illégitime.

Allégeances

Pendant ce temps, et depuis 2016, les Emirats ont fourni un soutien militaire et financier à des unités spéciales yéménites, connues sous le nom de « Ceinture de Sécurité », désormais sous le giron du STC, et qui comprennent pas moins de 90 000 combattants yéménites. En 2015, la coalition du sud s’est appuyée sur la « Ceinture de Sécurité » pour sécuriser les territoires du sud et rétablir le gouvernement à Aden, les forces de Hadi ayant repris le contrôle total de la ville en juillet.

Tandis qu’un sentiment sécessionniste, dans le sud, a pu être alimenté par certains récents développements politiques, il demeure enraciné dans le passé, explique Al Jazeera. « Les Britanniques ont établi une colonie à Aden en 1839 et y ont demeuré jusqu’à leur retrait en 1967, quand la ville a rejoint d’autres régions du Sud pour former une République du Yémen du Sud indépendante. En 1970, une république socialiste a émargé, tissant ainsi des liens forts avec l’ancienne Union soviétique. »

En dehors d’Aden, de plus petits mouvements séparatistes dans d’autres provinces du Sud ne soutiennent pas la vision du STC de rétablir cette ancienne république par la force, le groupe soutenu par les EAU n’étant pas certain de gagner facilement des allégeances dans un Sud fragmenté.

 

Avec Al Jazeera

Crédits photo : Soldats des forces du STC se déployant à Aden, au Yémen, le 26 avril 2020. Mohamed Abdelhakim/AFP

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