Un million de personnes, dans l’enclave palestinienne, pourraient souffrir de faim en juin si l’aide n’afflue pas d’ici là.
Israël a élargi dimanche les zones de pêche au large de la bande de Gaza, trois jours après les avoir réduites, afin de « prévenir une dégradation des conditions humanitaires » dans l’enclave palestinienne sous blocus israélien, a indiqué le ministère de la Défense. D’après le Cogat, l’organe israélien chargé des opérations civiles dans les Territoires palestiniens, la distance autorisée est désormais de 15 milles nautiques ; les zones de pêche retrouvent donc leur niveau d’avant les élections législatives israéliennes d’avril dernier – les plus étendues depuis des années.
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Cette mesure intervient alors que les Nations unies (ONU) se sont récemment alarmées de la situation humanitaire à Gaza. Où plus d’1 million de personnes pourraient souffrir de faim au mois de juin, selon l’agence onusienne pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), à moins que les donateurs internationaux ne viennent combler le déficit de 60 millions de dollars qu’elle connait actuellement. Ceci, on s’en souvient, après que les Etats-Unis, soutiens inconditionnels d’Israël, ont décidé de réduire drastiquement l’aide aux réfugiés palestiniens l’an dernier.
« Nous sommes dans une situation critique pour ce qui est de notre travail de livraison de vivres, a déclaré Matthias Schmale, le directeur des opérations de l’UNRWA à Gaza. Nous avons plus d’un million de personnes qui reçoivent de la nourriture tous les trimestres et beaucoup d’entre elles ne survivraient pas vraiment sans cela. » Selon lui, la situation aurait été « différente » – quoi que toujours « malheureuse » – si Washington avait progressivement réduit ses fonds. A la place, la disparition des fonds « d’un jour à l’autre » a obligé l’UNRWA à réduire considérablement ses programmes de santé et d’emploi dans la bande de Gaza.
« Course contre la montre »
Par exemple, le budget dévolu à la santé mentale a été réduit de 50 % au cours du second semestre 2018. Or de nombreux enfants, dans cette région ravagée par la guerre, ont un besoin impérieux de suivi psychologique. L’agence a également dû supprimer un programme qui fournit du travail sur de courtes durées pour les habitants de l’enclave palestinienne. Où le taux de chômage a atteint 52 % l’an dernier. En 2018, d’ailleurs, 10 139 personnes seulement avaient pu bénéficier d’un travail à court terme. Un chiffre en baisse de 48 % par rapport à 2017.
« Visite importante à #Gaza cette semaine où j’ai une fois de plus constaté les difficultés extrêmes entraînées par les confrontations armées successives, le blocus et la violence. Ce que les équipes de santé de l’UNRWA qualifient de « détérioration épidémique des conditions psychosociales » dans la bande de Gaza est encore largement sous-estimé dans le monde. » Pierre Krähenbühl sur Twitter, dimanche 26 mai.
Si l’Union européenne (UE) est devenue le premier donateur de l’UNRWA, Matthias Schmale craint que cela ne soit que temporaire. Bruxelles « a saisi l’enjeu politique [mais] les Etats membres demeurent trop préoccupés par eux-mêmes. Il est donc probablement irréaliste d’attendre de l’UE qu’elle joue un rôle », a-t-il déclaré, alors que les très récentes élections européennes ont vu l’extrême droite se renforcer sur le continent. Pourtant, il y a urgence. « C’est une course contre la montre », a ajouté le directeur des opérations de l’UNRWA à Gaza, craignant que les enfants, sans espoir, ne décident de se tourner vers l’extrémisme.
Certains jeunes, pour rappel, n’ont connu qu’un territoire gazaoui clôturé, sont nés et ont grandi sous le blocus (terrestre, aérien et maritime) instauré en 2007 par l’Egypte et Israël. Il n’est dès lors pas impossible que le Hamas, le parti islamiste au pouvoir à Gaza, cherche à les influencer – tout comme il a su instrumentaliser la « grande marche du retour », précipitant des dizaines de Palestiniens sous le feu de l’armée israélienne. Alors que le conflit israélo-palestinien semble non seulement plus inextricable, mais également plus inéquitable que jamais, la situation humanitaire, économique et sociale à Gaza ne plaide-t-elle pas en faveur d’une remise en cause immédiate du blocus ?
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