La prise de pouvoir militaire du 25 octobre dernier a bouleversé la transition du Soudan vers un régime démocratique.
Un tiers de la population du Soudan est actuellement confronté à une crise alimentaire due à l’impact combiné des chocs climatiques, des troubles politiques et de la hausse des prix alimentaires mondiaux, a déclaré jeudi 16 juin dernier l’agence alimentaire des Nations unies.
Selon un rapport conjoint du Programme alimentaire mondial et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, 15 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë dans les 18 provinces de ce pays d’Afrique de l’Est.
« Les effets combinés des conflits, des chocs climatiques, des crises économiques et politiques, de la hausse des coûts et des mauvaises récoltes enfoncent des millions de personnes dans la faim et la pauvreté », a déclaré Eddie Rowe, représentant du PAM au Soudan.
Les conditions de vie se sont rapidement détériorées dans un Soudan à court d’argent depuis qu’un coup d’État militaire en octobre a mis en chute libre une économie déjà fragile. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a aggravé la situation économique. Les niveaux de financement ne permettent pas de répondre aux besoins humanitaires au Soudan, où 40 % de la population devrait sombrer dans l’insécurité alimentaire d’ici septembre, selon le rapport.
« Nous devons agir maintenant pour éviter que la faim ne s’aggrave et pour sauver la vie des personnes déjà touchées », a déclaré M. Rowe.
La prise de pouvoir militaire du 25 octobre a bouleversé la transition du Soudan vers un régime démocratique, après trois décennies de répression et d’isolement international sous la présidence autocratique d’Omar el-Béchir. Le Soudan s’est engagé sur la voie fragile de la démocratie depuis qu’un soulèvement populaire a contraint les militaires à destituer ce dernier et son gouvernement islamiste en avril 2019.
Paria international
Depuis le coup d’État d’octobre, des manifestations hebdomadaires ont été organisées pour demander le retrait des militaires. Jeudi 16 juin, des centaines de personnes ont à nouveau défilé vers le siège du gouvernement dans la capitale Khartoum. Le Comité central des médecins du Soudan, qui recense les décès de manifestants, a déclaré qu’un manifestant avait succombé aux blessures infligées par les tirs des forces de sécurité dans la foule – le groupe a déclaré que le décès porte à 102 le nombre de manifestants tués depuis le coup d’État.
Le coup d’État a également mis un terme à deux années d’efforts du gouvernement civil destitué pour réorganiser l’économie grâce à des milliards de dollars de prêts et d’aide des principaux gouvernements occidentaux et des institutions financières internationales. Ce soutien a été suspendu après le coup d’État.
Le rapport note que la ville de Kreinik, dans l’ouest du Darfour, où des affrontements tribaux ont fait plus de 200 morts en avril, est la plus touchée, 90 % des habitants étant confrontés à la faim.
Le Soudan a été plongé dans une crise économique lorsque le Sud, riche en pétrole, a fait sécession en 2011 après des décennies de guerre civile, emportant avec lui plus de la moitié des recettes publiques et 95 % des exportations. Il est devenu un paria international après avoir été placé sur la liste américaine des États soutenant le terrorisme au début des années 1990, ce qui l’a exclu de l’économie mondiale et empêché d’obtenir des prêts d’institutions mondiales telles que le Fonds monétaire international.
L’ancien président Donald Trump a retiré le Soudan de la liste noire après que le gouvernement de transition a accepté de verser 335 millions de dollars de compensation pour les victimes d’attaques menées par le réseau Al-Qaida d’Oussama ben Laden alors que le chef terroriste vivait au Soudan. Ce retrait a également incité le Soudan à normaliser ses relations avec Israël.
Crédits photo : Le centre-ville de Khartoum, la capitale du Soudan (Francisco Anzola, Flick)