Soudan : face à la pression internationale, l’armée arrête trois voix critiques

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27.10.2021

Ces arrestations ont eu lieu tandis que les manifestations dénonçant la prise de pouvoir militaire se poursuivaient à Khartoum.

Les forces de sécurité soudanaises ont arrêté trois personnes pro-démocratie, dans la nuit de mardi à mercredi, selon leurs proches et d’autres militants, alors que la pression interne et internationale s’intensifie sur l’armée du pays après son coup d’État, lundi dernier.

Les arrestations ont eu lieu tandis que les manifestations dénonçant la prise de pouvoir militaire se poursuivaient dans la capitale du Soudan, Khartoum, et ailleurs, et que de nombreuses entreprises ont fermé en réponse aux appels à la grève.

Les forces de sécurité ont continué à intervenir de manière musclée, poursuivant les manifestants dans plusieurs quartiers, mardi en fin de journée, selon des militants qui ont indiqué que certains avaient été blessés par balle. Selon les médecins, au moins six personnes ont été tuées dans les manifestations jusqu’à présent.

Le coup d’État menace de mettre fin à la transition fragile du Soudan vers la démocratie, qui a commencé après l’éviction, en 2019, du dirigeant de longue date Omar el-Béchir et de son gouvernement islamiste lors d’un soulèvement populaire. Elle est intervenue après des semaines de tensions croissantes entre les dirigeants militaires et civils sur le déroulement et le rythme de ce processus.

Comme attendu, l’Union africaine (UA) a suspendu le Soudan de son organisation. Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA a tweeté la décision mercredi, indiquant qu’elle resterait d’actualité « jusqu’au rétablissement effectif de l’Autorité de transition dirigée par des civils ». L’UA prévoit d’envoyer une mission au Soudan afin d’organiser des pourparlers avec les parties rivales.

Scepticisme

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a quant à lui qualifié la prise de pouvoir par les militaires de « développement catastrophique », avertissant qu’elle aurait de « graves conséquences » sur les récents efforts du Soudan pour réintégrer la communauté internationale, après près de trois décennies d’isolement sous le régime d’Omar el-Béchir.

À la suite d’une vaste condamnation internationale, l’armée a tout de même autorisé le Premier ministre déchu, Abdalla Hamdok, et son épouse à rentrer chez eux dans la nuit de mardi à mercredi. M. Hamdok, ancien économiste des Nations unies, avait été arrêté avec d’autres responsables gouvernementaux lorsque les militaires ont pris le pouvoir.

Dans une déclaration commune, les ambassades de l’Union européenne, des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et de plusieurs autres pays européens, ont appelé à la libération d’autres responsables détenus et à des pourparlers entre l’armée et le mouvement pro-démocratique. Le général à la tête du coup d’État, Abdel-Fattah Burhan, s’est engagé à organiser des élections, comme prévu, en juillet 2023, et à nommer un gouvernement de technocrates dans l’intervalle.

Mais certaines voix, au Soudan et ailleurs, se font sceptiques, et doutent que l’armée soit sérieuse dans sa volonté de céder le contrôle du pays. Hasard du calendrier ? Le coup d’État a eu lieu quelques semaines seulement avant que le général Burhan ne soit censé céder la direction de l’organe suprême du pays, le Conseil souverain, à un civil.

 

 

Crédits photo : Des personnes brûlent des pneus lors d’une manifestation, un jour après que l’armée a pris le pouvoir à Khartoum, au Soudan, mardi 26 octobre 2021 (AP Photo/Marwan Ali).

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