L’Algérie, cette belle endormie qu’il faut réveiller

|
27.11.2017

L’Algérie n’est pas sur le déclin, mais a besoin d’inventer les moyens de sa modernisation.

Au bord du précipice, l’Algérie ? Assurément non. Si les titres racoleurs font toujours autant recette, ils sont à mauvais escient utilisés pour décrire une situation irréelle. Renseigner le citoyen lambda sur la situation économique et politique du pays est indispensable, c’est même le devoir de tout journaliste. Cette démarche louable est pourtant quasi quotidiennement polluée par des analyses dépourvues de fond et dont le seul et unique but est d’annoncer ou encore vociférer des discours prédisant un avenir sombre voire apocalyptique sur tous les plans.

Le « fantasme vénézuélien » en est un exemple parfait. Bien que des parallèles puissent objectivement être établis entre ces deux pays fragilisés par la récente chute des prix de l’or noir, il est de l’ordre de l’ineptie d’en faire des frères siamois, du moins sur le plan économique. Il ne semble pas si inutile de rappeler, entre autres, que le Venezuela cumule une dette extérieure de plus de 150 milliards d’euros contre environ cinq pour l’Algérie. Les réserves de change à Caracas sont épuisées alors qu’elles restent encore raisonnables à Alger. Les différences sont encore nombreuses et il serait presque indécent de les énoncer.

Ce propos est loin de vouloir légitimer la politique actuelle mené par le gouvernement. Bien au contraire, il tend à exposer l’idée de la nécessité du débat constructif pour transcender les difficultés et ainsi se débarrasser de certains carcans. Pour y parvenir les élites économiques, culturelles et bien entendu politiques doivent pleinement y apporter leur contribution dans le débat public.

« L’Algérie est dans une phase de blocage et non de déliquescence »

L’élite est souvent considérée comme un corps indispensable permettant au pays d’être tiré vers le haut. Contrairement aux dires de nombreux observateurs, l’élite algérienne existe bel et bien mais elle ne dispose pas des canaux d’expression nécessaires pour enrichir un riche débat démocratique sur différentes questions fondamentales. Pire encore, une partie non négligeable de celle-ci demeure muette, cautionnant de facto l’immobilisme politique, économique et sociétal que vit actuellement l’Algérie. Néanmoins, le géant du Maghreb est dans une phase de blocage et non de déliquescence comme voudrait nous faire croire certains observateurs ou commentateurs de la vie politique.

A défaut de disposer d’une élite consciente des grands défis qui attendent le pays, la société algérienne et sa formidable capacité de résilience constitue un motif d’espérer. Meurtrie par la décennie noire, elle continue de produire encore des schémas de solidarité extraordinaires. A la faveur, d’une parole (presque) libérée sur les réseaux sociaux, des Algériens très souvent jeunes, débattent, s’organisent autour de thématiques diverses. Faire vivre la culture, en organisant des séances de lecture en plein air, protéger l’environnement en planifiant des opérations de nettoyage, récolter des fonds pour soigner des personnes atteintes de pathologies lourdes sont autant d’actions organisées par les citoyens.

« La vivacité de la société civile a donné naissance à des éclaireurs de consciences »

En absence de leaders d’opinion censés interpeller les responsables politiques sur les défaillances de l’État, c’est donc à la base de la pyramide sociale, que se résolvent quelques injustices. La vivacité de la société civile donne même naissance à des «éclaireurs de consciences». L’exemple du collectif Nabni (Notre Algérie Bâtie sur de Nouvelles Idées), est intéressant. Ce think tank né en 2011, ne cesse d’appeler les autorités à entreprendre une série de réformes afin d’éviter au pays une crise majeure. S’il reste peu écouté par les autorités, il fait désormais partie du paysage associatif algérien. Ses idées viennent trouver un écho particulier auprès des entrepreneurs privés exaspérés pour beaucoup par un environnement économique qui leur reste peu favorable.

C’est donc par la mutualisation des idées et des compétences dans un cadre bien défini que la société algérienne produira des alternatives sérieuses, en attendant des élites dignes de ce nom. Il ne faut pas oublier que la naissance du multipartisme en Algérie ne fut possible que grâce au concours certes des intellectuels mais également des associations clandestines mais structurées.

En somme, pour réveiller l’Algérie, il faut réveiller les esprits et susciter l’envie du débat d’idées. Cela passe inéluctablement par la constitution d’associations, de ligues éloignées de toute interférence politique pour faire entendre la voix d’une société algérienne qui ne demande qu’à s’inscrire dans une démarche participative pour construire l’avenir du pays.

Partages