Mahmoud Réda, foi et créativité à l’égyptienne

Mahmoud Réda aura œuvré tout au long de sa carrière pour la reconnaissance de la danse dans le monde arabe.

Le 10 juillet dernier s’éteignait à l’âge de 90 ans, loin de la misérable comédie sociale du Covid-19, l’un des maîtres et plus fervents créateurs modernes de la danse folklorique égyptienne, Mahmoud Réda.

Né en 1930 au Caire dans une famille — déjà nombreuse — de la classe moyenne littéraire, il suit d’abord un parcours de gymnaste professionnel, et représente notamment l’Égypte aux Jeux Olympiques d’été de 1952 à Helsinki. De cette formation athlétique il gardera la vivacité des sauts qui caractériseront ses chorégraphies.

Mélange innovant

En 1949 Mahmoud Réda fait sa première apparition comme danseur dans le film Ahebbak inta (C’est toi que j’aime), réalisé par Ahmed Badrakhan. Suivront plusieurs autres rôles secondaires au cinéma, avant qu’il n’intègre une troupe en Argentine avec laquelle il participera à une tournée européenne, à Paris et Rome notamment.

De retour en Égypte, il décide de former sa propre compagnie, avec son frère aîné Ali, également danseur et cinéaste, ainsi que Farida Fahmy, qui devient sa partenaire privilégiée et dont il épouse en 1955 la sœur Nadida, créatrice des costumes de la troupe à ses débuts. De santé fragile, cette dernière décède en 1960.

À son lancement en 1959, la troupe Réda, disposant de moyens modestes, compte douze danseurs et autant de musiciens sous la direction du compositeur Ali Ismaïl. Les chorégraphies se distinguent par un mélange innovant de mouvements folkloriques, du Delta et de Haute-Égypte particulièrement, et de pas classiques issus du ballet de Paris ; tout comme les partitions d’Ali Ismaïl qui mêlent instruments d’Orient et d’Occident.

À cette époque, Mahmoud Réda parcourt les contrées égyptiennes du nord au sud pour apprendre et maîtriser les différents styles de danse populaire traditionnelle, comme le Saïdi, genre d’art martial qui s’exécute avec un bâton, pratiqué à l’origine par les bergers de la vallée du Nil.

Nombreuses décorations

C’est en 1961 que la compagnie, dont la notoriété se limite jusque-là à la société cairote, se fait connaître du grand public égyptien, lorsque Mahmoud Réda et Farida Fahmy rayonnent à l’écran dans le film Agazet nos el sana (Vacances de mi-année) réalisé par Ali Réda. Une affaire de famille !

Depuis cette date, la troupe, parrainée par le ministère de la Culture, jouera dans plusieurs films et comédies musicales à succès, dont Gharam fil Karnak (L’amour à Karnak) en 1967 et Harami el waraka (Le voleur de ticket de loto) en 1970, tous deux réalisés par Ali Réda.

En 1967, Mahmoud Réda cédera sa place de soliste principal pour se consacrer exclusivement à la chorégraphie et la direction artistique. La compagnie, qui comptera par la suite près de 150 danseurs, musiciens et techniciens, se produira dans plus de 50 pays, à l’occasion de cinq tournées internationales au cours des années 1970-80, notamment sur les prestigieuses scènes du Carnegie Hall de New York, du Royal Albert Hall de Londres, de l’Olympia à Paris ou encore du théâtre Stanislavski à Moscou.

Les frères Réda, Farida Fahmy et le compositeur et chef d’orchestre Ali Ismaïl, recevront de nombreuses décorations pour leurs travaux, notamment du président égyptien Gamal Abdel Nasser, du roi Hussein de Jordanie ou encore du dirigeant tunisien de l’époque Habib Bourguiba.

Héritage collectif

Mahmoud Réda aura pour deuxième femme une ballerine yougoslave du nom de Rosa ; de leur union naîtra en 1968 l’actrice Chérine Réda, par ailleurs compagne du célèbre chanteur égyptien Amr Diab au début des années 1990.

Celui qui aura œuvré tout au long de sa carrière, par son génie et son engagement, pour la culture de la danse et la reconnaissance de la discipline dans le monde arabe, lègue un héritage inspiré et émouvant, qui ne demande qu’à vivre ici ou là sur scène et dans les écoles.

Cet héritage collectif, d’un chorégraphe visionnaire tout à la fois humble et exigeant, qui par le langage universel de l’art et du geste, aura su marier Orient et Occident, nous rappelle cette Égypte créative, faste et étonnamment moderne, des années 1960, qu’on regarde aujourd’hui avec une impression de nostalgie quasi anachronique. Merci l’artiste.

 

Mahmoud Réda dansant sur « Louxor est notre pays », chanté par Mohamed El Ezaby, extrait du film « L’amour à Karnak » (1967) :

La comédie musicale « L’amour à Karnak » en intégralité, condensé d’humour et d’élégance à l’égyptienne :

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