Mort de Ahmed Gaïd Salah : l’avenir incertain de l’Algérie

Homme fort du régime algérien depuis quelques mois, l’ancien général est mort lundi 23 décembre à l’âge de 79 ans.

eeLe  puissant général a été inhumé dans l’après-midi, au sein du carré des Martyrs, où reposent les anciens chefs d’Etat et les grandes figures de la lutte contre le pouvoir colonial français.

Gaïd Salah, « l’homme qui a dit non au Hirak »

Des milliers d’Algériens se sont rassemblés devant le Palais du Peuple et le long du parcours, durant lequel certains ont accompagné à pied le convoi, ouvert par un camion militaire et encadré par de nombreux motards de la police.

Durant plus de huit mois, il s’est affiché comme le maître du pays, donnant ses instructions à un pouvoir civil éteint depuis la démission d’Abdelaziz Bouteflika, et fut le visage public du haut commandement militaire, plus habitué à exercer son pouvoir en coulisses, derrière une façade civile.

Nommé à ses postes par le président Bouteflika, le général Gaïd Salah fut jusqu’en avril d’une loyauté sans faille envers celui qui l’avait fait roi, avant de le sacrifier brutalement à la contestation.

Pour rappel, il avait, en ce mois de décembre, donné l’ordre au gouvernement d’organiser l’élection présidentielle, largement contestée, qui a vu l’emporter l’actuel chef de l’Etat Abdelmajid Tebboune. Depuis la démission d’Abdelaziz Bouteflika en avril dernier, Ahmed Gaïd Salah incarnait le commandement militaire qui exerce le pouvoir politique en Algérie. Et qui le conserve.

La disparition du chef d’Etat-Major peut constituer une occasion en or pour le président Tebboune pour se démarquer de la tutelle militaire en allant vers une solution politique basée sur les négociations avec le hirak qui le considère comme président illégitime. Il pourrait saisir cette occasion en s’imposant comme un interlocuteur sérieux aux yeux des hirakistes et faciliter ainsi la transition démocratique tant espérée par ces derniers.

Du fait de la disparition de Gaïd Salah, l’armée va être moins présente. En effet, il demeurait son principal porte-parole, et traitait publiquement de sujets de politique interne dans ses discours. On peut dès lors s’attendre à ce que, désormais, l’armée se fasse moins présente.

Renouveau ou bis repetita ?

Toutefois, le silence de l’armée et sa discrétion ne veulent pas dire que celle-ci va perdre le pouvoir, dans une Algérie où l’exécutif a toujours été militaire. L’armée algérienne ne déléguera rien mais changera de méthode en attendant de voir le comportement du successeur de Bouteflika, face à l’appareil militaire qui, pour l’instant, n’a pas répondu à la demande principale des hirakistes. A savoir la libération des détenus d’opinion.

Conformément à la constitution amendée par Abdelaziz Bouteflika, le président Tebboune a tous les pouvoirs. Il est donc en mesure de prendre des décisions sérieuses en faveur du hirak – au moins pour apaiser les esprits. En agissant ainsi, il pourrait donner l’impression de détenir le pouvoir.

Cependant, le nouveau président pourra faire changer les choses en séparant la fonction ministérielle du commandement de l’Etat-Major. Lui qui va, pour la première fois « nommer son patron » après l’intérim de Saïd Chengriha pourrait encore garder le portefeuille de la Défense et nomme un vice-ministre de la Défense, à ce moment là, ça sera le scénario Bouteflika qui va se répéter.

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