La démocratie a connu une parenthèse enchantée vite refermée, cette année-là, alors que le maréchal Sissi doit se faire réélire aujourd’hui.
Pendant une semaine, en juin 2012, l’Egypte est restée plongée dans l’incertitude la plus totale. Les 16 et 17 du mois, les citoyens se sont rendus aux urnes afin d’élire leur président de la République – une première depuis la chute de Hosni Moubarak, le 11 février 2011. Sauf que les résultats, extrêmement serrés, tardent à être annoncés ; les candidats, Mohamed Morsi (Parti de la liberté et de la justice) et Ahmed Chafik (indépendant), ancien Premier ministre de l’ex-chef de l’Etat, sont au coude-à-coude. Ce dernier, se basant sur des résultats provisoires, ne cesse de proclamer sa victoire ; après tout, quelques semaines plus tôt, un tout petit % l’a séparé de son rival lors du premier tour.
Finalement, dimanche 24 juin, le président de la commission électorale, Farouk Soltan, déclare Mohamed Morsi vainqueur, avec plus de 13 millions de voix – contre, tout de même, plus de 12 millions pour le second. C’est la première fois qu’un islamiste – appartenant à l’organisation des Frères musulmans – accède à la magistrature suprême en Egypte, pays le plus peuplé du monde arabe – avec plus de 80 millions d’habitants. Sa victoire est immédiatement saluée par des rassemblements et scènes de liesse, au Caire notamment, où plusieurs milliers de partisans crient en chœur « Allah Akbar » (« Dieu est grand »).
Peine de mort
Le maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées – qui pilote le pays depuis la chute de Hosni Moubarak -, tout comme l’évêque Pachomius, chef par intérim de l’Eglise copte orthodoxe d’Egypte, adressent leurs félicitations au nouveau chef de l’Etat. Même le candidat défait, Ahmed Chafik, qui se voyait remporter le scrutin, lui souhaite du « succès dans la tâche difficile que lui a confiée le peuple égyptien ». A savoir : installer la démocratie de manière pérenne dans le pays, un an après que des mouvements sociaux et, plus globalement, une contestation politique de grande ampleur ont éclaté en Egypte.
Le 25 janvier 2011, tout comme sa devancière tunisienne, la révolution égyptienne s’est effectivement déclenchée en réponse aux abus des forces de police, à la corruption, mais également à l’état d’urgence permanent, alors que Hosni Moubarak est au pouvoir depuis 1981. Ce que veulent les Egyptiens ? Des logements, du travail, des salaires, une protection sociale ; la liberté d’expression et la fin de l’Etat policier, aussi. Le 11 février, le mouvement contestataire parvient à obtenir le transfert du pouvoir à l’armée. Quant au désormais ex-chef de l’Etat, il partagera sa vie entre l’hôpital et le tribunal, où il échappera à la peine de mort. Avant d’être acquitté pour les accusations de meurtres de manifestants en 2011, et libéré le 24 mars 2017.
Coup d’Etat militaire
Mais le départ de Hosni Moubarak ne signifie pas pour autant qu’un élan démocratique va s’installer définitivement en Egypte. Contrairement à la Tunisie, l’armée assure un rôle de tout premier plan et commence par s’attribuer les pleins pouvoirs. Des heurts ont également lieu entre manifestants de la veille et forces de l’ordre, alors que, selon le ministère de la Santé, un premier bilan fait état de plus de 365 morts et 5 500 blessés. Dans tout ce chaos, une force politique émerge : celle les Frères musulmans, indésirables au temps de l’ex-président, qui remportent haut la main les élections législatives en janvier 2012. Prélude, donc, à la victoire de Mohamed Morsi quelques mois plus tard. Les premières expériences démocratiques post-révolution.
M. Morsi n’aura pourtant pas le temps d’appliquer complètement son programme. Le 3 juillet 2013, après que des vagues de contestations ont éclaté pour critiquer les dérives dictatoriales du nouveau président, l’armée se retourne contre lui et le destitue en faveur d’un gouvernement transitoire. Depuis, l’Egypte connait une période de troubles quasi constante, causée par l’instabilité et les tensions politiques. Même si sa tête n’a pas changé : arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, Abdel Fattah al-Sissi rafle la présidence en 2014 – avec plus de 96 % des voix… – et s’apprête à faire de même, alors que les Egyptiens étaient appelés aux urnes jusqu’à aujourd’hui. Et contrairement à juin 2012, il ne devrait pas y avoir d’incertitude quant au résultat.
Etudiant en master de journalisme, Bertrand Faure se destine à la presse écrite. Passionné de relations internationales, il nourrit un tropisme particulier pour le Maghreb et la région MENA, où il a effectué de nombreux voyages.