Pegasus : la France maintient sa confiance envers le Maroc

Les récentes révélations autour du logiciel espion Pegasus qui éclaboussent actuellement le Maroc n’ont pas occasionné de crise diplomatique entre Paris et Rabat. Les deux nations, qui entretiennent des relations de confiance, demeurent des alliés historiques.

Devant les accusations qui portent sur le Maroc dans le cadre de l’affaire Pegasus, la France reste à ce stade extrêmement prudente. Le royaume marocain, ami et allié historique de l’Hexagone en Afrique du Nord, est mis en cause par Amnesty et Forbidden Stories, qui
l’accusent d’avoir utilisé le logiciel d’espionnage Pegasus élaboré par la société israélienne NSO pour surveiller un certain nombre d’opposants et de personnalités politiques, parmi lesquelles le Président Emmanuel Macron, l’ancien premier Ministre français Édouard Philippe ou encore… le Roi Mohamed IV.

France-Maroc, une histoire commune

Des allégations immédiatement réfutées par Rabat, qui fait valoir qu’aucun élément de preuve ne permet à ce jour de les confirmer. “Quand on porte des accusations, il faut en assumer les preuves” réagissait de son côté auprès de plusieurs médias Christian Cambon, président du groupe d’amitié France-Maroc au Sénat français. Et de poursuivre : « jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont que des histoires qui traînent régulièrement».

Une illustration de la confiance accordée par la France au Maroc, dont les liens de proximité sont régulièrement salués de part et d’autre de la Méditerranée. Dernier exemple en date de l’amitié franco-marocaine lors des célébrations du 14 juillet à l’Ambassade de France au
Maroc. Pour l’occasion, l’ambassadrice française Hélène Le Gal a tenu à insister sur ce qui unit les deux nations : « Le Maroc et la France partagent des intérêts communs bien sûr. Une histoire commune, certainement. Mais aussi des caractéristiques communes : le sens de l’Etat, un attachement farouche à l’indépendance et un esprit de solidarité vis-à-vis de nos partenaires». Des liens historiques et multiples qui profitent aux deux pays. La France est le deuxième partenaire économique du Royaume, derrière l’Espagne mais aussi le premier investisseur étranger au Maroc, particulièrement engagée dans le secteur des services. Avec plus de 950 filiales d’entreprises françaises répertoriées, le Maroc est aussi la première destination bénéficiaire des investissements français sur le territoire africain.

« Depuis 1975, tous les présidents de la République sont venus au Maroc »

La plupart des groupes hexagonaux du CAC 40 y ont par ailleurs développé une partie de leurs activités. Les groupes marocains ne sont pas en reste, et franchissent eux aussi régulièrement le détroit de Gibraltar pour assister à des salons français, comme celui du
Bourget ou de Viva Tech. Les visites régulières des chefs d’Etat français sur le sol marocain, de Valéry Giscard d’Estaing à Nicolas Sarkozy en passant par François Mitterrand ou Jacques Chirac, sont bien souvent accompagnées par la signature de nouveaux accords de coopération.
Une tradition sur laquelle était revenu François Hollande en 2013, alors qu’il effectuait une visite d’Etat de deux jours sous les auspices de Mohammed IV, escorté de 60 chefs d’entreprise français : « Depuis 1975, tous les présidents de la République sont venus au
Maroc. Et à chaque fois, ce fut une étape supplémentaire dans le resserrement des liens, parce que l’;amitié entre la France et le Maroc dépasse les alternances politiques en France ». L’ancien président socialiste avait profité de ce déplacement pour saluer la mémoire des tirailleurs marocains « qui sont venus se battre au cœur des deux guerres mondiales et qui resteront à jamais gravés dans notre mémoire ».

Pegasus-Maroc : une campagne de désinformation ?

Ces liens de solidarité se déploient particulièrement aujourd’hui en matière de lutte contre le terrorisme, secteur pour lequel le Maroc apporte un soutien crucial à la France. C’est grâce au concours des renseignements marocains que le coordinateur des attentats du 13 novembre 2015 à Paris a pu être identifié, quelques heures après les tueries. Le Royaume fait figure d’allié de nombreux pays occidentaux sur ce volet, au premier rang desquels l’Espagne, où rien qu’entre 2015 et 2016, une quarantaine de cellules terroristes ont pu être démantelées, grâce au Maroc. Les Etats-Unis ont eux aussi récemment salué le rôle joué par le pays au sein de la coalition globale anti-daesh.

Les révélations autour du logiciel Pegasus interviennent à un moment charnière pour le Maroc, ce que n’a pas manqué de faire remarquer Chakib Benmoussa, ambassadeur du Royaume en France : « Nous constatons également un timing particulier. Des éléments disponibles il y a un an ressortent aujourd’hui, de manière coordonnée, à l’approche de la Fête du trône, à l’approche des élections législatives, régionales et locales, dans un contexte où le Maroc réalise des avancées sur de nombreux sujets. Ça peut ne pas plaire.»

Le Maroc fait-il l’objet d’une campagne de désinformation commanditée par une puissance étrangère ? La question reste ouverte mais est prise très au sérieux, au Maroc, comme en France. « Il existe des réseaux hostiles au Maroc, en France et ailleurs, qui sont dans une logique de déstabilisation. Certains acteurs qui considèrent notre pays comme un ennemi surfent sur cette vague », explique Chakib Benmoussa. Une analyse à laquelle souscrit Christian Cambon, qui soulève de son côté la question du contentieux actuel au Sahara occidental : « la décision américaine sur la souveraineté du Maroc sur son Sahara crée manifestement des tensions et le Royaume gêne beaucoup de monde ».

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