Irak : les partisans de Moqtada al-Sadr pénètrent dans le Parlement

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28.07.2022

L’incident a mis en lumière les enjeux de la lutte politique pour l’Irak, près de 10 mois après les élections fédérales.

Des centaines de manifestants irakiens ont pénétré mercredi dans le Parlement de Bagdad en scandant des injures contre l’Iran, dans le cadre d’une manifestation contre le candidat au poste de Premier ministre désigné par les partis soutenus par Téhéran.

La majorité des manifestants étaient des partisans de l’influent religieux chiite Moqtada al-Sadr. Les manifestants, tous des hommes, ont été vus marchant sur les tables du Parlement, feuilletant des dossiers, s’asseyant sur les chaises des députés et brandissant des drapeaux irakiens.

Aucun des membres du Parlement n’était présent. Seules les forces de sécurité se trouvaient à l’intérieur du bâtiment et elles ont semblé laisser entrer les manifestants avec une relative facilité.

Les manifestants protestaient contre la récente sélection de Mohammed al-Sudani comme candidat officiel du bloc du Cadre de coordination, une coalition dirigée par les partis chiites soutenus par l’Iran et leurs alliés.

« Sudani, dehors ! »

« C’était la plus grande manifestation depuis les élections fédérales d’octobre, et la deuxième fois qu’al-Sadr utilisait sa capacité à mobiliser les masses pour envoyer un message à ses rivaux politiques ce mois-ci », affirme l’agence américaine Associated Press (AP).

Plus tôt en juillet, des milliers de personnes ont répondu à son appel à une prière de masse, un événement dont beaucoup craignaient qu’il ne dégénère en manifestations déstabilisantes.

Quelques heures après l’occupation du Parlement par ses partisans, M. al-Sadr a publié une déclaration sur Twitter pour leur dire que leur message avait été reçu et qu’ils devaient « rentrer chez eux en toute sécurité », indiquant que le sit-in ne s’intensifierait pas. Peu après, les manifestants ont commencé à quitter le bâtiment du Parlement sous la surveillance des forces de sécurité.

L’incident, et la démonstration subséquente par Al-Sadr du contrôle qu’il exerce sur ses partisans, a constitué un avertissement implicite à l’alliance du cadre, selon lequel une escalade potentielle serait à venir si le gouvernement était formé avec Al-Sudani à sa tête.

« La capacité d’Al-Sadr à mobiliser et à contrôler ses nombreux partisans à la base lui confère un puissant pouvoir sur ses rivaux, explique AP. De la même manière, ses partisans ont pris d’assaut la Zone verte en 2016 et sont entrés dans le bâtiment du parlement du pays pour exiger une réforme politique. »

Plus tôt dans la journée, des manifestants ont ouvert une brèche dans la Zone verte fortement fortifiée de Bagdad, qui abrite le Parlement et d’autres bâtiments gouvernementaux, ainsi que des ambassades étrangères. Les manifestants ont scandé des refrains contre l’Iran – « Sudani, dehors ! ».

Instabilité

La police anti-émeute avait tenté de repousser les manifestants à l’aide de canons à eau, mais les manifestants ont escaladé les murs de la barrière en ciment et tiré des dalles à l’aide de cordes pour entrer dans la zone verte. Ces derniers ont emprunté l’artère principale de la zone sans rencontrer de résistance de la part des forces de sécurité. Un membre du personnel de sécurité a été vu en train de donner une bouteille d’eau à un manifestant.

Le Premier ministre intérimaire, Mustafa al-Kadhimi, a appelé au calme et à la retenue, et a demandé aux manifestants de se retirer immédiatement de la zone.

Al-Sadr s’est récemment retiré du processus politique, bien qu’il ait remporté le plus grand nombre de sièges lors des élections fédérales d’octobre. Al-Sudani, de son côté, a été choisi par le leader de l’État de droit et ancien Premier ministre Nouri al-Maliki.

Les Nations unies ont déclaré que les Irakiens avaient le droit de manifester mais qu’il était « essentiel que les manifestations restent pacifiques et respectent la loi ». Al-Sadr a quitté les pourparlers de formation du gouvernement après n’avoir pas réussi à rassembler suffisamment de législateurs pour obtenir la majorité requise pour élire le prochain président irakien.

En remplaçant ses députés, le leader du Cadre a fait pression pour former le prochain gouvernement. Beaucoup craignent qu’en agissant de la sorte, il ouvre la porte aux manifestations de rue organisées par les nombreux partisans d’al-Sadr. Et, de facto, à l’instabilité.

 

Crédits photo : Une réunion du comité gouvernemental avec Moqtada al-Sadr (à gauche) en 2016 (Wikimedia Commons).

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