On peut s’interroger sur la capacité de la communauté internationale à proposer un règlement politique du conflit.
Alors que le conflit au Yémen a tristement pris le surnom de « guerre oubliée », le bilan est lourd pour ce petit Etat d’un peu plus de 27,5 millions d’habitants, situé au sud de la Péninsule arabique. Les jeux politiques internationaux, la contagion de l’islamisme radical armé et une guerre civile née de l’émergence d’une rébellion de sa minorité chiite, ont eu raison d’un pays jeune et instable. Une résolution pacifique demeure-t-elle encore possible ?
Entre guerre civile et conflit régional
Le Yémen nait en 1990, de la réunification de la République arabe du Yémen à l’ouest et la République démocratique du Yémen à l’est. Sanaa, la capitale, a toujours éprouvé des difficultés à imposer son autorité sur l’ensemble du territoire, avec une zone sécessionniste au sud et une rébellion houthiste, minorité chiite ayant son fief dans les montages du Nord. Près de 42 % de la population yéménite appartient en effet au chiisme. Ce qui ajoute à un contexte historique de tribalité une complexité liée à deux visions « concurrentes » de l’islam.

A la suite des Printemps arabes et du renversement de l’historique président Ali Abdallah Saleh, en 2011 (33 ans de pouvoir), l’Arabie saoudite s’était positionnée en tant que médiateur dans la crise politique. Un gouvernement de transition avait alors été instauré à l’occasion d’une négociation ente parties rivales à Riyad en novembre 2011. Mais lorsqu’est proposé un projet de fédération en 2014, le nord, houthiste, se soulève. En un an, les rebelles houthistes contrôlent tout l’ouest du pays, de Saada à Aden, partie la plus peuplée. Le président élu, Abdrabbo Mansour Hadi, se réfugie alors à Riyad pour chercher la protection de son voisin saoudien.
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Cette étape marque le début de la régionalisation du conflit, avec le bombardement de points stratégiques par une coalition arabe menée par l’Arabie saoudite et soutenue par ses alliés occidentaux. L’offensive a été immédiatement condamnée par le président iranien. Ce dernier, parlant « d’agression militaire », d’ajouter qu’il s’agit d’une « démarche dangereuse violant les responsabilités internationales et la souveraineté nationale ».
L’implication de l’Iran et la crise humanitaire
Trois ans après l’attaque menée par la coalition contre les forces houtistes pour rétablir une situation d’équilibre au Yémen, il semble que la guerre se soit enlisée. L’Arabie saoudite, à l’initiative militairement à travers la coalition, doit également faire face, sur son sol, à de réguliers tirs de missiles, en provenance du nord Yémen, fief de la minorité chiite houthiste. Comme le rappelait le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, en mars dernier, « il y a un problème au Yémen, c’est que le processus politique n’a pas commencé, que l’Arabie saoudite se sent agressée régulièrement par les Houthis, qui sont eux-mêmes fournis en armes par l’Iran ».
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L’action de la coalition à eu pour effet de stopper la dynamique de victoire des insurgés houthistes pour les placer désormais en position défensive. Mais une issue politique reste encore à trouver. La présence de Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique) et d’Al-Qaïda sur une partie du territoire complique un peu plus les réalités de terrain. Et contribue à rendre peu envisageable une solution militaire à court terme, malgré les efforts de la coalition sur deux fronts.

Conséquence du conflit, le bilan humanitaire est lourd. En 2018, on estime à 22,2 millions le nombre d’individus ayant besoin d’une assistance, soit 80 % de la population. Plus de 3 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et l’effondrement des institutions et du système de soin a contribué à une situation « catastrophique » selon Médecins sans frontières (MSF). Près d’un tiers de la population (soit 8 millions de personnes) serait même exposée à un risque de famine.
Vers une médiation internationale ?
Le 3 avril 2018 avait lieu une conférence des donateurs, à Genève (Suisse), à l’initiative du secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres. L’ambition ? Lever trois milliards de dollars pour le Yémen afin de financer un plan d’aide de l’ONU. Le succès financier de l’opération est évident, avec 2,2 milliards de dollars de promesses de don et l’engagement de l’Union européenne (UE) de débloquer 105 millions d’euros. En amont de la conférence, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis s’étaient également engagés à contribuer pour près d’un milliard de dollars à la mission humanitaire au Yémen.

On peut cependant s’interroger sur la capacité de la communauté internationale à proposer un règlement politique du conflit. Comme l’a rappelé le secrétaire général de l’ONU à l’occasion de sa rencontre avec le prince héritier saoudien, Mohamed ben Salman, « il n’y a pas de solution humanitaire à des problèmes humanitaires ». Alors que la conférence de Paris sur la question humanitaire au Yémen, en juin dernier, n’avait pas permis de trouver une issue au conflit, en l’absence de ministres étrangers et d’ONG, qu’attendre d’une troisième conférence sur le Yémen en 2018 ?
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La situation régionale semble encore trop tendue entre rivaux saoudiens et iraniens pour que la situation de cette « guerre oubliée » ne trouve une solution rapidement. La grave crise humanitaire ne se résoudra que par d’importantes concessions politiques des deux camps. Cependant, alors que les négociations au printemps 2016, soutenues par l’ONU, avaient échoué, les parties semblent discuter aujourd’hui en coulisse pour résoudre une situation militairement bloquée sur le terrain. La conférence prévue en septembre pourrait peut-être marquer le retour à un cycle officiel de discussions entre l’Arabie saoudite, toujours à la manœuvre sur le plan militaire et diplomatique, et les rebelles houthis.
Mustafa Alani, analyste au Gulf Research Center, affirmait d’ailleurs à l’AFP en avril 2018 qu’une médiation avait désormais « plus de chances » de réussite. « En raison de l’augmentation de la pression militaire », les Houthis deviendraient davantage « disposés à un compromis politique » selon lui. Réponse dans quelques jours.
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Consultante Energies pour un grand groupe pétrolier français, Claire Marie voyage à travers le monde. Elle aime découvrir et comprendre les interactions entre les Hommes et percer les coulisses de la géopolitique.