La communauté religieuse, fortement touchée par le Covid-19, rechigne encore à se faire vacciner.
Yossi Levy a pris et annulé, à plusieurs reprises, son rendez-vous pour le vaccin contre le coronavirus. Ce juif ultra-orthodoxe de 45 ans s’est remis du virus au début de l’année, tout comme ses huit enfants et sa femme. « Mais une combinaison de léthargie et de procrastination l’a empêché d’aller jusqu’au bout de sa démarche, afin de se faire vacciner », rapporte l’agence américaine Associated Press (AP). « Ce n’est pas quelque chose d’urgent. Je n’y suis pas opposé. C’est juste de la paresse », a déclaré l’intéressé.
« Offensive »
M. Levy fait partie des centaines de milliers de juifs ultra-orthodoxes qui n’ont pas encore reçu leur vaccin contre le Covid-19. Ces derniers possèdent l’un des taux de vaccination les plus bas du pays, bien qu’ils aient été durement touchés par la pandémie. Mais face au nouveau variant du virus, omicron, les autorités s’efforcent d’augmenter les taux de vaccination pour toute une frange de la population qui a jusqu’à présent refusé de se retrousser les manches.
« Nous passons à l’offensive sur la question des vaccinations », a déclaré Avraham Rubinstein, le maire de Bnei Brak, la plus grande ville ultra-orthodoxe du pays.
Cela fait maintenant un an que les vaccins contre le Covid-19 sont disponibles, mais la réticence à l’égard de la vaccination persiste, alors que le nombre de décès augmente et que le variant omicron, hautement contagieux, se répand dans le monde entier. Si bien que les autorités israéliennes ont fait appel aux rabbins éminents de la communauté, qui servent d’arbitres sur toutes les questions, pour promouvoir la vaccination. Ces derniers déploient des cliniques mobiles, et tentent de repousser les vagues de fausses informations qui s’abattent sur le vaccin, parmi certaines communautés en Israël.
Dans le pays, le taux de vaccination est faible, en partie parce que la moitié de la population ultra-orthodoxe a moins de 16 ans et n’a été rendue éligible à la vaccination que récemment. En outre, de nombreux ultra-orthodoxes ont déjà été infectés ou croient l’avoir été et ne pensent pas avoir besoin du vaccin. L’effort de sensibilisation a par ailleurs connu un succès mitigé. Les responsables espèrent augmenter le taux de vaccination grâce à une nouvelle campagne de cliniques mobiles dans les écoles religieuses et à une opération médiatique, renforçant la pression sur les parents pour qu’ils vaccinent leurs enfants.
Paradoxalement, Israël a été l’un des premiers pays à vacciner sa population, à la fin de l’année dernière, et le premier à faire des rappels. Mais la campagne a pris du retard ces dernières semaines et des centaines de milliers de personnes ne sont toujours pas vaccinées ou n’ont pas reçu de rappel. Alors que les taux de vaccination pour la deuxième dose dans la population générale tournent autour de 63 % (et le rappel autour de 45 %), dans la communauté ultra-orthodoxe, ce chiffre atteint tout juste la moitié. Un taux de vaccination faible, qui contraste fortement avec le lourd tribut payé par la communauté pendant la pandémie, puisque les ultra-orthodoxes ont été durement touchés dès le début, les 1,2 million de membres étant souvent en tête des taux de morbidité du pays et perdant des centaines de personnes à cause de la maladie.
« Vivre à l’écart »
Il y a des raisons sociétales à la propagation rapide du virus au sein de la communauté. Les ultra-orthodoxes — ils représentent 13 % des 9,3 millions d’habitants d’Israël — ont tendance à vivre dans des quartiers pauvres et surpeuplés, avec des familles nombreuses dans de petits appartements, où la maladie peut se propager rapidement. Les synagogues, pièce maîtresse de la vie sociale, rassemblent les hommes pour prier et socialiser dans de petits espaces.
Le mode de vie particulier des ultra-orthodoxes, également connus sous le nom de Haredim, a fait de l’augmentation des taux de vaccination un défi unique pour les responsables de la santé. Cette communauté cloîtrée a longtemps été séparée du reste de la vie israélienne, les enfants étudiant les Écritures mais très peu les mathématiques et l’anglais. « La communauté évite généralement Internet, ne regarde pas la télévision laïque et a tendance à vivre à l’écart des Israéliens non religieux. Elle se méfie des autorités laïques de l’État et des nombreux signes extérieurs de la modernité », renseigne AP.
« Chez les Haredim, il y a une double peur : la peur de l’État et la peur de la science. Il n’y a pas de confiance fondamentale dans ces entités », a déclaré Gilad Malach, qui dirige le programme ultra-orthodoxe de l’Institut israélien pour la démocratie, un groupe de réflexion de Jérusalem. Selon lui, ce scepticisme a permis à des affirmations infondées sur les vaccins de se répandre dans la communauté. Les ultra-orthodoxes suivent également une interprétation stricte du judaïsme, et comptent sur les rabbins pour les guider dans de nombreuses décisions de vie. Si certains religieux ont activement encouragé la vaccination, d’autres ont adopté une approche moins incitative, et leurs fidèles ont été moins enthousiastes à l’idée de se faire vacciner.
Crédits photo : Un agent de santé israélien teste un étudiant d’un séminaire juif ultra-orthodoxe non vacciné contre le Covid-19, dans un centre de dépistage du coronavirus à Jérusalem, mercredi 22 décembre 2021 (AP Photo/Oded Balilty).