Les parlementaires libyens se sont réunis, lundi, pour discuter du report de l’élection présidentielle prévue le 24 décembre.
Le scrutin s’est heurté à de nombreux obstacles, notamment des candidats controversés, des différends sur les lois régissant les élections, des luttes intestines occasionnelles entre groupes armés et le fossé qui sépare depuis longtemps l’est et l’ouest du pays. Le Parlement, qui siège dans la ville de Tobrouk, dans l’est du pays, s’est réuni pour se prononcer sur une proposition de la commission électorale libyenne visant à organiser le scrutin le 24 janvier. Selon cette proposition, l’élection présidentielle serait suivie d’élections législatives un mois plus tard, le 15 février.
Abdullah Bliheg, porte-parole de l’assemblée législative, a déclaré que les parlementaires allaient discuter des efforts de la commission électorale pour organiser le vote. Ces derniers ont également délibéré au sujet d’un rapport du Parlement sur les défis qui ont forcé le report du vote. Lundi soir, M. Bliheg a déclaré que le Parlement avait décidé de convoquer Imad al-Sayeh, chef de la commission électorale, et d’autres membres du conseil d’administration pour discuter du rapport de la commission sur le processus électoral.
Stephanie Williams, conseillère spéciale de l’ONU pour la Libye, a imploré les législateurs de « s’attaquer de toute urgence » aux problèmes soulevés par la Haute commission électorale nationale, et « de faire avancer le processus électoral ». Quelques dizaines de personnes ont manifesté devant le siège du Parlement à Tobrouk, appelant à la tenue du scrutin le plus rapidement possible. Ils tenaient des pancartes avec des slogans tels que : « Le peuple libyen rejette le report des élections ».
La commission législative chargée de surveiller le processus électoral a recommandé de réécrire la constitution en coordination avec le Conseil suprême de l’État, basé à Tripoli. Elle a suggéré d’établir une « feuille de route pratique » pour les élections sans fixer de dates précises, selon le rapport de la commission remis aux législateurs lundi. Les élections nationales libyennes sont depuis un an le pivot des efforts déployés sous l’égide de l’ONU pour ramener la paix dans ce pays d’Afrique du Nord riche en pétrole.
Mais d’autres obstacles majeurs se dressent sur la route du scrutin : un fossé persistant entre l’est et l’ouest du pays et la présence de milliers de combattants étrangers et de troupes soutenant l’un ou l’autre camp. Et l’échec du scrutin de vendredi dernier a alimenté les craintes que la Libye ne bascule à nouveau dans une flambée de combats, dans un contexte de tensions croissantes, notamment dans l’ouest du pays, où des groupes armés sans foi ni loi ont une plus grande influence.
Expulsion de l’ambassadrice
La Libye a plongé dans la tourmente après qu’un soulèvement soutenu par l’OTAN en 2011 a renversé le dictateur Mouammar Kadhafi, qui a ensuite été tué. Ces dernières années, le pays a été divisé entre des gouvernements rivaux : un à l’est, soutenu par le commandant militaire Khalifa Haftar, et une administration soutenue par l’ONU dans la capitale de Tripoli à l’ouest. Chaque camp est soutenu par différentes milices et puissances étrangères.
« Un vide politique imminent constitue une autre menace, certains législateurs faisant valoir que le mandat du gouvernement intérimaire a pris fin le 24 décembre, jour où le vote était prévu, explique par ailleurs l’agence américaine Associated Press (AP). Suleyman al-Harrari, chef de la commission des affaires intérieures du Parlement, a déclaré à « Fawasel », un site Web de médias, que le corps législatif allait délibérer pour savoir si le gouvernement intérimaire pouvait rester à la tête du pays jusqu’à ce que le vote ait lieu. »
Le comité législatif, qui a déclaré la semaine dernière que la tenue du vote le 24 décembre serait impossible, a également appelé à la restructuration de l’autorité exécutive pour « atteindre les exigences de stabilité ». Ce que, selon lui, le gouvernement actuel n’a pas fait. Les principaux gouvernements occidentaux ont toutefois demandé que le gouvernement reste au pouvoir jusqu’à la tenue du vote afin d’éviter le chaos et la confusion.
« Le transfert du pouvoir de l’autorité exécutive intérimaire actuelle à la nouvelle autorité exécutive aura lieu après l’annonce des résultats de ces élections parlementaires et présidentielle rapides et anticipées », ont déclaré conjointement les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Italie, vendredi dernier.
Le Parlement a décidé de voter mardi sur la déclaration de Caroline Hurndall, ambassadrice du Royaume-Uni en Libye, persona non grata après que l’ambassade a publié un message sur Twitter disant qu’elle continuerait à reconnaître dans le gouvernement intérimaire « l’autorité chargée de conduire la Libye aux élections, et n’approuve pas la mise en place de gouvernements ou d’institutions parallèles. » Des commentaires qui ont provoqué l’indignation, en Libye, de la commission des affaires étrangères au Parlement, qui a accusé Caroline Hurndall d’ingérence injustifiée. Certains chefs tribaux ont demandé l’expulsion de l’ambassadrice.
Crédits photo : Les Libyens célèbrent le 70e anniversaire de l’indépendance de leur pays, malgré la déception générale suscitée par le report de l’élection présidentielle, qui devait avoir lieu le même jour, sur la place des Martyrs, à Tripoli, en Libye, vendredi 24 décembre 2021 (AP Photo/Yousef Murad).