A Sotchi, un sommet pour la paix en Syrie en manque de légitimité

Les Kurdes de Syrie et l’opposition au régime de Bachar al-Assad n’assisteront pas aux pourparlers de paix.

Avant même qu’elle ne commence, la conférence de Sotchi pour la paix en Syrie, qui s’est ouverte aujourd’hui en Russie, avait du plomb dans l’aile. Considérée par Moscou comme le seul moyen d’envisager l’après-conflit syrien, deux des parties initialement invitées au sommet ont annoncé leur refus d’y participer, vendredi et dimanche derniers. L’opposition syrienne au régime de Bachar al-Assad, regroupée au sein du Comité des négociations syriennes (CNS), a estimé à l’issue du neuvième round de pourparlers onusiens avec Damas, organisé à Vienne (Autriche) la semaine dernière, que « le régime mise sur une solution militaire, il ne montre pas de volonté d’engager une négociation politique sérieuse ». Hors de question, par conséquent, de se rendre à Sotchi, pour Nasr Hariri, négociateur en chef de l’opposition syrienne.

« Toute autre tentative n’est pas bonne »

Hier, ce sont les Kurdes syriens qui ont emboité le pas au CNS en annonçant qu’ils boycottaient la conférence. La raison ? « Nous avions dit auparavant que si cette situation persistait à Afrin nous ne pourrions pas être présents à Sotchi » a déclaré à l’AFP Fawza Youssef, une responsable des autorités kurdes. « La Turquie et la Russie sont les garants de Sotchi et ces deux pays se sont mis d’accord sur Afrin, ce qui contredit le principe même de dialogue politique » a-t-elle ajouté, alors qu’Ankara a lancé une offensive militaire contre la ville du nord-ouest de la Syrie il y a une dizaine de jours. Cette enclave kurde, à la frontière avec la Turquie, est actuellement aux mains du Parti de l’Union démocratique (PYD), la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré par les autorités turques comme terroriste.

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Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, a également indiqué aujourd’hui que la France ne participerait pas à la réunion, selon un porte-parole du Quai d’Orsay. « S’il y a eu un échec à Vienne c’est parce que le régime [syrien] n’était pas dans la négociation : il était dans la figuration. […] Je pense que Sotchi ne [permettra] pas non plus cette avancée puisqu’une partie essentielle ne [sera] pas là en raison précisément du refus de négocier du régime à Vienne » a estimé le chef de la diplomatie française depuis Tokyo, dépeignant une situation quasi-inextricable. Dont il estime pourtant que la seule issue possible passe par l’entremise des Nations unies (ONU) : « La solution politique [doit se faire] à Genève, sous l’égide de l’ONU, et toute autre tentative n’est pas bonne » selon lui.

« Résolution onusienne 2254 »

Pas de quoi affoler le Kremlin, dont le porte-parole, Dmitri Peskov, a au contraire affirmé que l’absence de certains groupes à Sotchi n’entraverait en rien le déroulement ni le travail des parties présentes – Russie, Iran, Turquie et régime syrien. Selon lui, « le fait que certains représentants du processus actuellement en cours en Syrie n’y participent pas n’est pas susceptible d’empêcher ce congrès d’aller de l’avant et ne peut pas le saboter sérieusement ». Le président de la commission des affaires étrangères du Conseil de la Fédération (organe législatif russe), Konstantin Kosachev, s’était contenté de faire part de son « extrême regret » avant la sortie du Kremlin. « Le congrès représente une chance réelle d’avancer dans l’unité syrienne et dans l’intérêt de la résolution onusienne 2254 » avait-il estimé, interprétant de manière un peu trop personnelle le sens du texte de l’ONU.

Car dans le même temps, l’émissaire des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura – arrivé ce matin dans la ville russe -, a déclaré qu’il restait attaché à « une mise en œuvre entière et complète » de la résolution, qui prévoit l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’organisation d’élections livres dans un environnement neutralisé. Pas sûr que Moscou, aux manettes en Syrie, ne voie d’un très bon œil la démocratisation du pays, fût-elle balbutiante. Une position partagée par le régime de Damas, dont le négociateur en chef, Bachar al-Jaafari, a souligné qu’il privilégierait la réunion de Sotchi plutôt que celle de l’ONU. « Le but de la conférence de Sotchi est de nouer, dans l’intérêt national, un dialogue syrien sans interférence étrangère » d’après lui. Comment qualifier, cependant, un congrès organisé par un pays tiers, si ce n’est, précisément, d’ « interférence étrangère » ?

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