Syrie : Russes et Turcs doivent à tout prix maintenir le dialogue autour d’Idlib

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29.02.2020

La barre du million de personnes déplacées a été franchie, dans la région d’Idlib, selon des humanitaires qui avouent leur impuissance.

A Idlib, le risque d’affrontement entre forces syriennes et forces turques grossit de jour en jour. Jeudi 27 février, au moins 33 soldats turcs ont trouvé la mort, dans le nord-ouest de la Syrie, au cours d’attaques aériennes menées par des chasseurs russes Soukhoï SU-35. Selon les Russes, qui épaulent l’armée syrienne de Bachar al-Assad par les airs, ces soldats se trouvaient au milieu d’un contingent terroriste. Faux, selon Ankara, qui vient en aide aux rebelles retranchés dans le tout dernier bastion d’opposition en Syrie. Dans la foulée, l’armée turque a annoncé avoir frappé des positions syriennes, afin de « venger » ses soldats tombés. Il s’agit d’une escalade sans précédent dans le conflit qui oppose depuis début février Syriens et Russes, d’un côté, et Turcs de l’autre.

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Rapidement, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a condamné « les frappes aveugles du régime syrien et de son allié russe ». Son secrétaire général, Jens Stoltenberg, a exhorté Damas et Moscou à « cesser leur offensive » et appelé toutes les parties à une « désescalade de cette situation dangereuse ». Un peu plus tôt, dans une tribune au Monde, quatorze ministres des Affaires étrangères membres de l’Union européenne (UE) appelaient « le régime syrien et ses soutiens, notamment russes, à la cessation immédiate des hostilités ». En filigrane, l’OTAN comme l’UE redoutent que la situation humanitaire, déjà catastrophique dans le nord-ouest de la Syrie, ne s’aggrave si les combats venaient à s’installer.

Faire taire les canons

Le million de personnes déplacées par les conflits, dans la région d’Idlib, depuis le 1er décembre 2019, vient d’être franchi. Et les organisations humanitaires avouent sans ambages leur impuissance face à des belligérants qui respectent de moins en moins le droit international humanitaire. « Les bombardements ne font pas de distinction. On déplore des centaines de civils tués et beaucoup d’infrastructures civiles détruites », affirme l’ONG Care dans un communiqué publié la semaine dernière. Rien qu’en 2019, il y a eu 85 attaques contre des hôpitaux et des établissements de santé dans le nord de la Syrie. Parfois volontairement visés, selon Tue Jakobsen, directeur adjoint de Care en Turquie.

Les Nations unies (ONU), par la voix de leur secrétaire général, Antonio Guterres, ont beau rappeler que la zone de désescalade d’Idlib, créée en 2017, avait fait l’objet d’un mémorandum entre la Russie et la Turquie, en septembre 2018, rien n’y fait. Depuis un an, l’accord vacille malgré plusieurs renouvellements de cessez-le-feu – non tenus. Russes et Turcs ne parviennent pas à s’entendre. Après l’attaque aérienne qui a tué 33 soldats turcs, jeudi 27 février, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan se sont entretenus au téléphone. Avec une ambition, faire taire les canons dans la zone de désescalade d’Idlib, peut-être trop élevée. C’est pourtant la première chose à faire. Et de toute urgence, afin d’éviter que le drame humanitaire ne s’aggrave.

Nouvelle crise migratoire

Raison pour laquelle Moscou et Ankara doivent entretenir la parole afin de parvenir à un accord inclusif. Il n’y a qu’en prenant en compte les desiderata de chacune des parties que le cessez-le-feu pourra s’imposer. Dans les prochains mois, le Conseil de sécurité de l’ONU devrait également renouveler le mécanisme permettant d’acheminer vers la région d’Idlib une aide humanitaire transfrontalière. Les Russes, qui l’ont déjà fermé dans le nord-est du pays, comme l’ont rappelé les quatorze ministres des Affaires étrangères européens, seraient bien avisés de ne pas en faire autant. Car il y a peu de chances, disent-ils encore, que le régime syrien, principal responsable de la situation humanitaire, autorise l’aide à parvenir à ceux qui en ont besoin.

La Turquie accueille sur son sol plus de quatre millions de réfugiés, syriens pour la plupart. En 2016, elle s’engageait auprès de Bruxelles à retenir les migrants qui transitent par son territoire, contre plusieurs milliards d’euros d’aide.

Pour rappel, Ankara, confrontée à l’afflux massif de réfugiés depuis la reprise des combats, avait laissé jusqu’à fin février au régime syrien pour qu’il stoppe son offensive dans la région d’Idlib. Faute de quoi les Turcs contre-attaqueraient militairement. Pour éviter le pire, les membres de l’OTAN se réunissaient vendredi matin à Bruxelles, à la demande de la Turquie, qui a averti qu’elle ne retiendrait plus les personnes désirant se rendre en Europe. Agitant ainsi le spectre d’une nouvelle crise migratoire à la face des Etats membres de l’UE. Ces derniers, mais également les Etats atlantistes, doivent tout faire pour inciter Russes et Turcs à maintenir le dialogue, afin de faire taire les armes à Idlib.

 

Crédits photo : AFP

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