Son enterrement, samedi dernier à Alger, a ravivé les « lignes de fracture » de la guerre civile des années 90.
Le fondateur du parti algérien dissous Front islamique du salut (FIS), qui avait notamment plaidé en faveur de la création d’un Etat islamique, est décédé mercredi 24 avril au Qatar, où il vivait en exil, à l’âge de 88 ans, « dans un hôpital de Doha après une longue maladie», a déclaré Ali Belhadj, proche allié du défunt.
« Complot contre l’autorité de l’Etat »
C’est avec lui qu’il crée, en 1989, le FIS, qui remporte largement les élections municipales de juin 1990 et devient parti majoritaire dans une bonne partie des grandes villes d’Algérie, dont les municipalités du Grand-Alger. Son programme ? Faire appliquer la loi islamique (charia) en Algérie et islamiser de facto la société algérienne.
En 1992, il appelle à la lutte armée, juste après que le régime militaire eut annulé les premières élections législatives multipartites du pays, en décembre 1991. Le parti d’Abbassi Madani est alors en passe de remporter une belle majorité (47,3 % des suffrages au premier tour), ce qui déclenche des violences et plonge le pays dans une décennie de guerre civile (la « décennie noire »), qui coûtera la vie à 200 000 personnes, selon les chiffres officiels.
Pour les Algériens, Madani reste ainsi associé aux effusions de sang des années 1990, entre les forces de sécurité et les groupes armés islamistes. Emprisonné en 1991 pour « complot contre l’autorité de l’Etat, sabotage économique et distribution de tracts de nature à nuire à l’intérêt national », il n’appellera à la fin des violences qu’en 1999, après que son groupe a déclaré qu’il était en train de déposer les armes.
Lignes de fracture
De sa cellule, il est soupçonné de diriger les opérations de l’organisation, même si l’autonomie des diverses factions armées reste importante – et que la confusion mêlée à la manipulation à grande échelle règne dans ces années-là. Après sa libération, le 15 juillet 1997, Abbassi Madani est libéré et mis en résidence surveillée. Avant d’être incarcéré de nouveau quelques semaines plus tard, après que l’on a découvert qu’il soutient encore la lutte armée du Groupe islamique armé (GIA) et de l’Armée islamique du salut (AIS), la branche armée du FIS.
Le 11 juin 1999, dans une lettre adressée au (tout récent) président Abdelaziz Bouteflika, il fait d’ailleurs part de son « appui total et sans réserve » à Madani Mezrag, chef de l’AIS, qui avait annoncé un arrêt définitif de la lutte armée. Il est finalement libéré le 2 juillet 2003, et lance un appel à la fin de la lutte armée le 25 août suivant, avant de s’envoler au Qatar, banni de toute activité politique en Algérie.
Il ne retrouvera son pays qu’après son décès, puisqu’il fut enterré à Alger, samedi dernier, en présence d’une foule nombreuse. « A travers l’émotion des sympathisants à Belcourt [un quartier de la capitale algérienne, ndlr] ou par les réactions des détracteurs sur les réseaux sociaux, son enterrement a propulsé en avant les lignes de fracture de la guerre civile des années 90, note Hamdi Baala, journaliste au HuffPost Maghreb. L’Algérie pensait pourtant les avoir dépassées avec sa révolution pacifique du 22 février qui se poursuit. »
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