Malgré certaines avancées, les Saoudiennes souffrent encore d’inégalités de traitement patentes avec les hommes.
C’est avec un ton très paternaliste que le ministre adjoint saoudien de l’Intérieur, le général Saïd ben Abdallah al-Qahtani, a annoncé dimanche que tout était prêt pour que les femmes, en Arabie saoudite, puissent conduire. A partir du 24 juin prochain, « toutes les femmes qui peuvent conduire auront le droit de conduire et seront bien informées de toutes les infractions afin de les éviter. Je m’attends à ce que la conduite des femmes soit plus sûre et que les détentions se fassent dans de très rares cas » a-t-il déclaré lors d’un forum sur la sécurité routière.
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« Celles qui conduiront des voitures sont nos filles, nos femmes et nos sœurs, et il est de notre devoir de leur rappeler les règles et de prévenir tout dommage contre celles-ci » a-t-il également ajouté, tout en rappelant que « les points de contrôle de sécurité routière traiteront respectueusement avec les femmes […] tout en appliquant la loi et en s’assurant qu’il n’y a pas d’infractions. » Des paroles qui, dans certains pays, auraient fait bondir les femmes comme les hommes, mais qui, en Arabie saoudite, semblent normales.
Détenus arbitrairement
C’est que, malgré cette avancée certaine que représente le droit de conduire pour les Saoudiennes – le royaume était le dernier pays à interdire aux femmes le volant -, celles-ci souffrent encore de conditions très inégalitaires par rapport aux hommes. En vertu du système de la tutelle masculine, les femmes doivent par exemple obtenir la permission d’un homme de leur famille pour leurs études, leurs voyages ainsi que d’autres activités. Mohamed ben Salman (« MBS »), le prince héritier qui entend réformer de fond en comble le royaume, a encore du pain sur la planche.
Après la promulgation du décret royal, en septembre dernier, plusieurs féministes saoudiennes, qui se sont battues pour l’obtention du droit de conduire, ont d’ailleurs reçu un appel téléphonique de la part des autorités, les exhortant à ne pas faire de commentaire dans les médias. Et, récemment, certaines d’entre elles ont été arrêtées, accusées de vouloir « saper l’unité nationale » et d’atteindre à la stabilité du pays. La crainte réelle du pouvoir ? Qu’elles tirent à elles la couverture, alors que de nombreux journalistes devraient faire le déplacement dans moins d’un mois.
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C’est là tout le paradoxe de MBS : grand réformateur sociétal – et économique, avec sa « Vision 2030 » -, parce qu’il prône notamment la fin de la toute puissance religieuse dans le royaume, mais très attaché aux vieilles recettes de la pratique du pouvoir. Un récent rapport de l’ONG de défense des droits humains Human Rights Watch (HCR) indique par exemple que, depuis 2014, le nombre de Saoudiens détenus arbitrairement, sans inculpation ni procès, a très fortement augmenté depuis 2014. L’un des rares domaines où femmes et hommes sont sur un pied d’égalité.
