Entre le Covid-19 et la guerre, le Yémen est à bout de souffle

L’ONU, qui organise une levée de fonds pour le Yémen, doit également intensifier ses efforts pour parvenir à la paix.

Objectif élevé pour situation urgente – sinon désespérée. Vendredi 29 mai, des agences humanitaires des Nations unies (ONU) ont réitéré leur appel à soutenir d’urgence le Yémen, le pays le plus pauvre de la péninsule arabique, qui fait face actuellement à la guerre et à la progression de la pandémie de Covid-19. Selon le porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), pas moins de 2,4 milliards de dollars de financement, jusqu’à la fin de l’année, sont nécessaires pour le Yémen. Dont 180 millions pour la seule lutte contre le coronavirus.

« Les agences de l’ONU et les ONG partenaires au Yémen [cherchent ainsi à] maintenir une bouée de sauvetage humanitaire pour 19 millions de personnes dévastées par plus de 5 ans de conflit, de déplacements, de malnutrition, de maladies et un système de santé faible qui croule maintenant sous la pression de la pandémie de Covid-19 », a sobrement déclaré Jens Laerke lors d’une conférence de presse virtuelle à Genève (Suisse).

Le temps presse. Selon l’ONU, la crise sanitaire grossit de jour en jour au Yémen, où le coronavirus se propage rapidement à travers le pays, confronté à « la plus grave crise humanitaire du monde », selon des mots déjà anciens des Nations unies. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 54 décès dûs à la pandémie et 260 cas de contamination ont d’ores et déjà été recensés. Et la maladie touche à présent 10 des 22 gouvernorats. Dans un pays traversé par la guerre et où le système de santé s’avère défectueux, ces chiffres ne sont appelés qu’à grossir.

 

Problème, « les équipes d’intervention rapide de Covid-19, par exemple, n’ont de financement que pour les 6 prochaines semaines », avait alerté Jens Laerke le 22 mai, après avoir rappelé que plus de 30 programmes clés de l’ONU pourraient fermer dans les semaines à venir en raison du manque de financements. Le porte-parole de l’OCHA avait déclaré, ce même jour, que le Yémen était « vraiment au bord du gouffre ».

Graves répercussions

Raison pour laquelle le 2 juin, l’ONU organise une vaste levée de fonds internationaux, pour venir en aide au pays, lors de laquelle elle espère atteindre les fameux 2,4 milliards de dollars. La crise du coronavirus, on l’a vu un peu partout dans le monde, a été l’occasion de s’interroger sur l’essentiel, sur certaines valeurs un peu perdues de vue, parfois, comme la charité et le partage. N’est-elle pas également l’occasion pour les pays ou les multinationales d’afficher leur soutien au Yémen et de participer à la collecte de fonds ?

« Si les opérations au Yémen ne sont pas financées, le spectre de la famine réapparaîtra, le Covid-19 et d’autres maladies mortelles comme le choléra, la dengue et le paludisme ravageront le pays, et d’autres personnes mourront », a mis en garde Jens Laerke. En 2019, pour rappel, environ 94 000 enfants de moins de 5 ans ont souffert de malnutrition aiguë sévère et 10 millions de Yéménites sont toujours à deux doigts de la famine.

Gageons que certains Etats répondront favorablement à l’appel de l’ONU, relayé notamment par l’Arabie saoudite, qui co-organise la levée de fonds du 2 juin. A ce titre, peut-être Riyad pourrait-elle commencer par stopper sa guerre meurtrière au Yémen, à la tête de « sa » coalition, qui vient en aide depuis mars 2015 au gouvernement d’Abd Rabbo Mansour Hadi en exil, face aux rebelles Houthis (chiites, soutenus par l’Iran). Appeler à l’effort financier international, c’est bien ; arrêter de bombarder le pays, c’est mieux.

L’ONU doit également intensifier ses efforts pour parvenir à la paix entre belligérants. En avril dernier, le chef de l’humanitaire onusien, Mark Lowcock, n’avait-il pas souligné que le Covid-19 représentait une occasion unique de relancer le processus politique au Yémen ? Sans cessation des hostilités, avait-il affirmé, la pandémie pourrait avoir de graves répercussions dans le pays. Nous y sommes.

 

Crédits photo : Des bénévoles distribuent du désinfectant dans une rue de Sanaa, la capitale du Yémen, le 30 mars 2020 (AFP/Mohammed Huwais).

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