Diffamation, chantage, journalistes arrêtés : retour sur l’affaire qui secoue Alger

Plusieurs personnalités sont soupçonnées de participer à un réseau de diffamation, orchestré par le cyberactiviste Amir Boukhors.

C’est un scandale qui pourrait faire du bruit, du côté d’Alger, dans les prochains jours. La semaine dernière, les services de gendarmerie ont arrêté plusieurs journalistes et éditeurs de sites d’information en ligne algériens. Dont « les deux journalistes Mohamed Abderrahmane Semmar, dit Abdou Semmar [éditeur du site « Algeriepart »], et Merouane Boudiab […] arrêtés dans la nuit du mardi 23 au mercredi 24 octobre […] », d’après le site Algérie Focus. Qui, s’appuyant sur les déclarations du journaliste et militant des droits humains Meziane Abane, indique également que « les [deux] journalistes ont quitté la brigade de Bab Jdid pour être présentés au tribunal pénal de Saïd Hamdine [quartier situé à 7 km du centre-ville d’Alger, ndlr] ».

« Sept affaires »

Adlene Mellah, éditeur du site Dzairpresse, a également été arrêté et interrogé par les services de gendarmerie, puis maintenu en détention dans des locaux à Bab Azzoun (Alger). D’après Algérie Focus, il devait se présenter devant le tribunal correctionnel Abane Remdane (Sidi M’Hamed), en compagnie du comédien Kamel Bouakaz et de l’ancien joueur du MCA, club de football algérois, Fodil Dob. D’autres noms, appartenant au monde des affaires algérien notamment, font partie de la liste des 18 personnalités appréhendées par les gendarmes et placées sous ISTN (interdiction de sortie du territoire national) par la justice. Ce qui les relie ? « Sept affaires » liées à « la publication de photos attentatoires » sur les réseaux sociaux, selon la gendarmerie.

Une page Facebook, notamment, administrée par Amir Boukhors, un cyberactiviste algérien recherché par les services de police, est au cœur de cette affaire protéiforme. Dont les plaignants, Anis Rahmani, patron du principal groupe de médias privés d’Algérie, le préfet d’Alger, ainsi qu’un autre homme d’affaires algérien, se sont appuyés sur les révélations concernant les liens supposés entre M. Rahmani et certains hommes politiques, publiées sur la page Facebook « Amir DZ », pour saisir la justice. Selon la gendarmerie, les « sept affaires » seraient liées, notamment, à « la divulgation de données obtenues de manière frauduleuse, la diffusion de publications injurieuses aux cadres de l’Etat, […] l’atteinte à la vie privée des personnes via des publications sur les réseaux sociaux et des sites web ».

« Apathie du syndicat national des journalistes »

Le frère d’Amir Boukhors, Houari, soupçonné d’implication dans ce « réseau de chantage » et entendu par les enquêteurs de la brigade de recherche de la gendarmerie, aurait, selon le site Alg24.net« avoué plusieurs faits accablants ». Et « notamment évoqué les noms d’hommes d’affaires qui payaient régulièrement pour s’offrir les services de cette page Facebook spécialisée dans les atteintes à la vie privée des personnalités ». D’après lui, le mode opératoire reposait sur un réseau d’intermédiaires – dont feraient partie les personnalités interpelées par la gendarmerie – chargés de négocier et transporter des sommes en euros jusqu’à Amir Boukhors, réfugié en France. Son frère aurait eu un statut d’ « intermédiaire privilégié » selon le site Alg24.net.

Reporters sans frontières (RSF), qui s’est indignée de cette vague d’arrestations, a estimé, par la voix de Souhaieb Khayati, directeur du bureau Afrique du Nord de l’ONG, qu’ « aucun journaliste ne devrait se retrouver en prison pour des faits de diffamation. » « Abdou Semmar [l’un des journalistes interpelés, ndlr] s’est illustré depuis quelques mois par la divulgation de documents compromettants sur des personnalités publiques et de puissants oligarques, reconnait de son côté Algérie Focus, estimant que le journaliste s’est fait beaucoup d’ennemis. » Pas suffisant pour que le monde du journalisme algérien ne vienne pas en aide aux prévenus, selon le HuffPost Maghreb, qui « déplore l’apathie du syndicat national des journaliste ». Affaire à suivre.

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