En déplacement en Tunisie, le chef de l’Etat turc a provoqué une vive polémique en effectuant le signe de Rabia.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a été accueilli en grande pompe à son arrivée à l’aéroport. Étaient présents le ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, le représentant spécial du président, Lazhar Karoui Chebbi, le gouverneur de Tunis, Chedly Bouallegue, le maire de la capitale, Seifallah Lasram, l’ambassadeur de la Tunisie à Ankara, Fayçal Ben Mustapha, et l’ambassadeur de Turquie à Tunis, Omer Faruk Dogan, ainsi que le personnel de l’ambassade.
Bien que classique, la visite du président turc n’est pas passée inaperçue. Et pour cause. A quelques pas de la porte d’entrée du palais présidentiel, M. Erdogan a exécuté, à l’insu de son homologue tunisien, le signe de ralliement des Frères musulmans : la Rabia – également appelée « Main du Tamkine ». Le chef de l’Etat a ainsi levé le bras droit et érigé les quatre doigts de la main, conservant le pouce plié. Un geste maladroit, alors que la « crise » survenue entre la Tunisie et les Emirats arabes unis (EAU) ne s’est pas encore dissipée.
« Nous avons un seul drapeau »
Pour rappel, celle-ci a commencé à la suite de la décision inattendue des EAU, vendredi dernier, de ne pas accepter les Tunisiennes à bord des vols de la compagnie nationale Emirates. Elle a ensuite gagné le monde du sport, puisque la Fédération émiratie de handball a annulé le stage de sa sélection à Nabeul, au nord-est de la Tunisie, après ce petit couac diplomatique entre les deux pays, pour des raisons officielles de sécurité, d’après Abou Dabi.
Le président tunisien, Béji Caid Essebsi, a répliqué peu après que M. Erdogan a effectué le signe de Rabia, lors d’un point de presse. Le chef de l’Etat tunisien a commencé par évoquer une question posée par un membre de la délégation turque, au sujet des drapeaux tunisien et turc, très semblables. « Alors, je le dis pour que ce soit clair pour tout le monde : ici en Tunisie, nous avons un seul drapeau. Pas deux, ni trois, ni quatre » s’est-il doucement emporté, sans toutefois mentionner le signe des Frères musulmans.
Acte de terrorisme
Ce que n’a pas hésité à faire le chef de police de Dubai, le général Dhahi Khalfan Tamim, qui a vertement critiqué l’attitude de Recep Tayyip Erdogan. Le président turc « n’a jamais eu honte, où qu’il aille, il fait le signe de Rabia » s’est-il exprimé. « Aie honte de toi, tu as intimidé les chefs d’Etats, [mais] M. Essebsi t’a tout de même remis à ta place [et] enseigné les bonnes manières et comment se comporter en bon invité » a-t-il ajouté sur son compte Twitter.
Sur les réseaux sociaux, certains Tunisiens se sont de leur côté dits « fiers » de la réponse apportée par leur président au signe de M. Ergogan, qui ne les « représente » pas. Beaucoup ont usé de l’ironie et de la satire pour moquer le geste, né en 2013 en Egypte et censé représenter, pour les partisans du président déchu, Mohamed Morsi, un signe de liberté. Mais pour les soutiens de l’actuel chef de l’Etat, Abdel Fattah al-Sissi, un signe clair de défiance – voire équivalent à un acte de terrorisme.

Mounira Elbouti est doctorante et enseigante à l’IMT Business School. Elle s’intéresse à l’analyse de l’évolution des sociétés maghrébines post-« printemps arabe » et s’est spécialisée dans les questions de genre, de leadership et de transformation digitale. Elle a déjà collaboré avec le HuffingtonPost Maghreb, Le Mondafrique, Tunis Hebdo et Liberté Algérie.