Le Bureau de l’ONU pour l’aide humanitaire dans le pays tire à nouveau la sonnette d’alarme.
D’après le dernier bulletin du Bureau des Nations unies (ONU) pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) au Soudan du Sud, le pays est toujours dans une situation humanitaire extrêmement critique. Le coordinateur humanitaire de l’ONU pour le pays, Alain Noudehou, a d’ailleurs conduit une délégation de donateurs, de chefs d’agences humanitaires et de partenaires à Leer (centre), le 7 mars dernier, pour constater le sort des 90 000 personnes vivant dans la région. Le groupement a également rencontré le gouverneur de la province, des dirigeants communautaires et des organismes qui viennent actuellement en aide à des dizaines de milliers de personnes dans toute la région.
« En raison de la saison sèche, nous avons besoin de financements, immédiatement, pour fournir à des millions de personnes une aide vitale par voie routière. Cette même manœuvre sera beaucoup plus coûteuse si elle est effectuée par transport aérien pendant la saison des pluies », a déclaré M. Noudehou. Le résident des Nations unies au Soudan du Sud s’est par ailleurs dit préoccupé par l’effet des taxes et des frais sur les organisations et le personnel humanitaires, qui siphonnent les ressources indispensables aux opérations de première nécessité et perturbent l’action humanitaire – car souvent imprévisibles.
« Niveaux les plus extrêmes »
« Une fois de plus, j’exhorte vivement toutes les parties au conflit à mettre fin aux combats et à veiller à ce que les organismes humanitaires aient un accès libre, sûr et sans entrave, à toutes les régions du Sud-Soudan », a également précisé M. Noudehou. Leer étant l’un des deux comtés touchés par la famine en 2017. Et bien que celle-ci ait été stoppée, la situation reste fragile : environ 85 % de la population devrait atteindre des conditions de crise et d’insécurité alimentaire d’urgence d’ici la fin avril 2018. En tout, près des deux tiers de la population du Soudan du Sud risquent de souffrir de la faim.
Plus de 7 millions de personnes pourraient effectivement connaître une grave insécurité alimentaire, dans les mois à venir, sans une aide humanitaire soutenue, avaient déjà averti les Nations unies le 26 février dernier. Et selon le bilan de l’OCHA Soudan du Sud, « si cela se produit, ce sera le plus grand nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire au Sud-Soudan. Tandis que la période la plus préoccupante sera la saison maigre, entre mai et juillet, 155 000 personnes, dont 29 000 enfants, pourraient atteindre les niveaux les plus extrêmes de la faim si l’assistance n’est pas fournie et soutenue. »
Multiplication des embargos
« La situation est extrêmement fragile et nous sommes sur le point d’assister à une nouvelle famine. Les projections sont frappantes. Si nous les ignorons, nous serons confrontés à une tragédie grandissante. Si les agriculteurs reçoivent un soutien pour reprendre leurs moyens de subsistance, nous verrons une amélioration rapide de la sécurité alimentaire du pays en raison de l’augmentation de la production locale », a pour sa part déclaré Serge Tissot, représentant de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) au Soudan du Sud. Quant à MSF, si elle n’est « pas en mesure de confirmer ou d’infirmer l’état de famine », ses équipes mènent actuellement 20 projets médicaux dans tout le pays.
Pour mémoire, le pays, indépendant depuis 2011, est plongé dans une guerre civile – sur fond de rivalités ethniques – depuis 2013. Et malgré la signature d’un accord de paix en 2014, les combats se poursuivent, faisant leur lot de victimes et de déplacés – au Soudan mais également dans les pays limitrophes. Certains pays, comme les Etats-Unis, multiplient les embargos pour que cessent les affrontements ; le Trésor américain vient par exemple d’annoncer des sanctions contre 15 compagnies pétrolières sud-soudanaises accusées d’alimenter la guerre civile. Pas sûr, toutefois, que ces mesures aient un gros impact. Washington avait déjà prononcé un embargo sur les armes, en février dernier – sans effet.
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Etudiant en master de journalisme, Bertrand Faure se destine à la presse écrite. Passionné de relations internationales, il nourrit un tropisme particulier pour le Maghreb et la région MENA, où il a effectué de nombreux voyages.