Derrière le boycott d’avril 2018 au Maroc, un coup de main islamiste ?

L’École de Pensée sur la Guerre Économique vient de publier une vaste enquête sur le boycott au Maroc.

L’une des différences majeures entre le boycott d’avril 2018 et ses aînés de 2014 et 2016 est l’importante religiosité dont il est emprunt. « Le Boycott d’avril 2018 au Maroc : Retour sur une campagne orchestrée », est le nom de l’enquête de l’EPGE qui démonte le mythe d’un mouvement spontané et populaire. Un an de recherche approfondie basée sur une méthodologie similaire à celle employé par le Quai d’Orsay (une grille d’analyse à différents niveaux : technique, narratif et opérationnel) aboutit à une conclusion sans appel : « Chacun de ces niveaux s’est révélé concluant : la campagne d’avril 2018 a été organisée, dirigée, financée et appuyée par des intérêts puissants avec un agenda politique radical, voire factieux. »

Les réseaux sociaux ont été le fer de lance de ce mouvement. Des pages Facebook pro-Erdogan, pro-Frères Musulmans ou opposées à l‘État ont repris la symbolique de mouvement qui ont agité le Maghreb. Rapidement des membres du PJD ont apporté, via les réseaux sociaux, leur soutien.

Campagne massive

Selon l’étude, les moyens techniques déployés ont été massifs. Une centaine de pages Facebook ont relayé activement l’appel au boycott (en plus des partages d’utilisateurs lambda). Une part importante des milliers de posts de ces pages ont bénéficié d’un soutien financier évalué par les experts entre 100 et 500 000 euros afin de susciter des millions d’interactions. Des influenceurs ont également participé à relayer, via les réseaux sociaux, les appels au boycott. Sur Twitter, le chercheur Damien Liccia (interviewés par Le Monde Arabe l’an passé) avait déjà établi que 800 bots ont été créés dans le but de massifier les interactions liées au boycott.

Une poignée de thèmes récurrents ont été exploités sur les réseaux sociaux pour justifier et amplifier l’appel au boycott. Ces thèmes ont été répartis en plusieurs catégories dans l’étude. Ceux s’appuyant sur les dissensions internes au Maroc (régionalismes, tensions au sein des appareils politiques), ceux prenant appui sur les ressentiments envers l’institution (corruption de l’état et des élites) et ceux s’appuyant sur des questions de morale et de religion.

Enfin, l’étude met en avant la structuration d’un réseau “ organisé, hiérarchisé et compartimenté “ mêlant influenceurs publics, hackers, pages anonymes et de secours.

Al Adl Wal Ihsane en embuscade ?

Le réseau affiche une ligne politique proche des Frères Musulmans mais aussi du parti Al Adl Wal Ihssane. Nombreux sont les membres éminents de ce réseau qui soutiennent le président turc Erdogan ou l’égyptien Morsi, en défendant une approche traditionaliste et politique de l’islam.

L’étude conclut que ce réseau ne compte pourtant pas s’arrêter à cette opération : “ Nous soutenons l’hypothèse que dans les mois et années à venir, le réseau va continuer de croître, saper l’autorité des pouvoirs publics et s’attaquer aux probables candidatures du RNI [Rassemblement national des indépendants], mais aussi du PJD et du PAM [Parti authenticité et modernité], pour favoriser le chaos ou le recours à de nouvelles forces politiques extrémistes. » Toujours d’après l’étude, le réseau devrait accroître son activité à l’approche des élections législatives marocaines de 2021.

 

Lire l’étude de l’EPGE

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