Alors que la crise du Covid-19 n’a en rien diminué les divers trafics qui minent le continent africain, le Maroc fait figure de bon élève en misant sur les dernières technologies de pointe en matière de lutte contre la fraude et la contrebande.
En Afrique, le commerce illégal pèse lourd : selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le continent perd chaque année 50 milliards de dollars « qui s’envolent via des flux financiers illicites ». Ce montant – supérieur au total de l’aide au développement destinée au continent – enrichit les réseaux criminels et prive les pays africains d’importantes ressources financières, aggravant ainsi la pauvreté et l’insécurité.
Des saisies exceptionnelles au Maroc
Néanmoins, ces trafics ne sont pas une fatalité. Lors de la crise du Covid au printemps, les douanes marocaines ont ainsi mené des opérations ayant abouti le 15 mai dernier à une saisie de 6,3 tonnes de résine de cannabis au poste frontalier de Guergarate. La veille, la Brigade mobile de Kénitra avait déjà intercepté « 378 kilogrammes de kif en tiges, 91 kilogrammes de tabac en feuilles et 10 kilogrammes de tabac moulu, à la suite d’une opération sécuritaire ». La semaine précédente, la Brigade mobile d’Agadir avait saisi à bord de deux véhicules 180 kilos de chira, 146 kilos de feuilles de tabac et 650 kilos de kif en tiges.
Des performances remarquables dans un pays où le trafic de drogue, d’alcool et de carburant ne faiblit pas, malgré la crise sanitaire. Afin de lutter contre la propagation de la pandémie, les autorités marocaines ont renforcé le contrôle des débits de boisson. La Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a découvert que de nombreux établissements (restaurants, hôtels, bars, épiceries…) se fournissaient en alcool illicite auprès d’un réseau criminel chapeauté par un ancien transporteur routier. Au début du mois de septembre, l’opération « Bacchus » a permis aux enquêteurs de saisir en moins d’une semaine dans plusieurs villes du Maroc d’énormes quantités de bouteilles d’alcool non déclarées, dont 1 million à Had Soualem, Casablanca, Khouribga, Oued Zem et Béni Mellal et 74 000 à Fès.
Distribution d’alcool frelaté
Le réseau était spécialisé dans la distribution d’alcool frelaté, périmé ou de contrebande, vendu en partie avec de faux timbres fiscaux de la douane (caractérisés par des infractions relatives au taux d’alcool contenu dans les boissons). Grâce aux technologies protégeant les produits authentiques au Maroc, les faux timbres fiscaux sont facilement identifiables, alors que la falsification de ces sceaux d’Etats est passible de peines très sévères. Par ailleurs, ces technologies facilitent la procédure judiciaire, en donnant des moyens de preuve solides et de plusieurs niveaux (matériels et digitaux) aux juges pour condamner les coupables. Au regard des faits qui lui sont reprochés, Saïd Boukannouf, soupçonné d’être à la tête de ce trafic de grande ampleur, devrait être condamné à plusieurs années de prison et à verser une amende record équivalant à cinq fois la valeur des produits saisis, soit au moins un milliard de dirhams (près de 93 millions d’euros).
Outre le manque à gagner fiscal, ce phénomène de fraude massive affecte lourdement le secteur viticole marocain, ce dernier subissant à la fois la concurrence extérieure et les agissements des trafiquants. Il s’agit également d’un véritable problème de santé publique, qui touche surtout les jeunes : ces alcools frelatés entrainent des risques d’amnésie prématurée et de cécité.
Des technologies nouvelles
L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) estime ainsi que, malgré la crise sanitaire et le ralentissement des flux, le trafic de drogue à grande échelle est toujours actif et les opérations de lutte contre le commerce illicite en hausse. La pandémie a conduit à des pénuries d’opioïdes, ce qui a poussé des consommateurs à rechercher des substances plus facilement disponibles comme l’alcool, les benzodiazépines ou des drogues de synthèse. Une situation qui pourrait empirer dans les mois à venir si, comme le craint l’ONUDC, de nombreux gouvernements réduisent, en raison des répercussions financières de la crise, les budgets alloués à la prévention des usages de la drogue, aux services de toxicomanie et à la prise en charge de la consommation médicalement surveillée.
Dans ce domaine, le Maroc est en première ligne : alors que l’Europe représente le deuxième plus grand marché de cocaïne au monde, les principaux points d’entrée de la marchandise sur le continent sont le Maroc, l’Espagne, la Belgique et les Pays-Bas. Le Maroc reste également une zone de production et d’exportation de cannabis, le pays se situant au sixième rang mondial des plus importantes saisies sur la période 2008-2018.
Le Royaume chérifien a donc fait de la lutte contre les trafics une priorité. En mars dernier, un centre d’excellence a vu le jour dans la CFC Tower de Casablanca, inauguré par la société suisse SICPA, leader en matière de solutions d’authentification, d’identification et de traçabilité sécurisés. En août 2019, SICPA a remporté l’appel d’offres lancé par l’Administration des douanes pour poursuivre le programme de suivi et de traçabilité des paquets de cigarettes et des bouteilles de vin et d’alcool, permettant d’optimiser les moyens de lutte contre les trafics avec les technologies les plus avancées.
Au plus fort de la crise sanitaire, SICPA créait également un passeport immunologique sécurisé, en partenariat avec Guardtime, fournisseur de la Blockchain KSI®, première à être certifiée selon la norme européenne eIDAS. Un passeport santé pouvant servir de base au suivi en temps réel de l’état immunitaire de la population, afin de in fine contenir une nouvelle vague de l’épidémie.
Dernier projet en date au royaume chérifien : la mise en place d’un système innovant de vérification de la qualité des carburants distribués dans les stations-services et de l’état des stocks à travers tout le pays, pour venir à bout des pénuries et des trafics en tous genres. Le ministère de l’Energie, des Mines et de l’Environnement est en cours de sélection des fournisseurs potentiels, mais là encore, les autorités marocaines se montrent en pointe dans la mise en oeuvre des dernières technologies.
Si les autorités marocaines parviennent à mieux encadrer le commerce illicite, elles pourront ainsi récupérer une importante manne financière, à même de renforcer les plans d’aide et de relance dans un pays où l’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’au 10 octobre prochain.
