Liban : le président part sans être remplacé, la crise s’aggrave

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30.10.2022

Des semaines de « chaos constitutionnel » s’annoncent selon l’ex-chef de l’État.

Le président du Liban, Michel Aoun, a quitté le palais présidentiel, dimanche, marquant la fin de son mandat de six ans sans être remplacé, laissant la petite nation dans un vide politique qui risque d’aggraver son effondrement économique historique.

Alors que le mandat de M. Aoun s’achève, le pays est dirigé par un gouvernement intérimaire, le Premier ministre désigné Najib Mikati n’ayant pas réussi à former un nouveau cabinet à la suite des élections parlementaires du 15 mai. Michel Aoun et ses partisans mettent en garde contre le fait qu’un tel gouvernement n’a pas les pleins pouvoirs pour diriger le pays, affirmant que des semaines de « chaos constitutionnel » s’annoncent.

Pauvreté

Dans un discours prononcé à l’extérieur du palais, l’ex-chef de l’État a déclaré à des milliers de partisans qu’il avait accepté la démission du gouvernement de Najib Mikati. Cette décision est susceptible de priver davantage l’administration intérimaire de légitimité et d’aggraver les tensions politiques existantes dans le pays.

M. Mikati a répondu peu après par une déclaration de son bureau indiquant que son gouvernement continuera à remplir ses fonctions conformément à la constitution.

Nombreux sont ceux qui craignent qu’une vacance prolongée du pouvoir ne retarde encore les tentatives de finalisation d’un accord avec le Fonds monétaire international qui fournirait au Liban une aide de quelque 3 milliards de dollars, largement considérée comme une étape clé pour aider le pays à sortir d’une crise financière qui dure depuis trois ans et a plongé les trois quarts de la population dans la pauvreté.

Si ce n’est pas la première fois que le Parlement libanais ne parvient pas à nommer un successeur à la fin du mandat du président, ce sera la première fois qu’il n’y aura pas de président et un cabinet intérimaire aux pouvoirs limités. La constitution libanaise autorise le cabinet à diriger le gouvernement dans des circonstances normales, mais il n’est pas clair si cela s’applique à un gouvernement intérimaire.

Pouvoirs du Hezbollah

Wissam Lahham, professeur de droit constitutionnel à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, a déclaré à l’agence de presse américaine Associated Press qu’à son avis, les problèmes de gouvernance auxquels le pays sera confronté sont plus politiques que juridiques.

Bien que la constitution « ne dise pas explicitement que le gouvernement intérimaire peut agir s’il n’y a pas de président, logiquement, constitutionnellement, on devrait l’accepter car l’État et les institutions devraient continuer à fonctionner selon le principe de la continuité des services publics », a-t-il déclaré.

Les Libanais sont profondément divisés au sujet de Michel Aoun, un chrétien maronite de 87 ans et ancien commandant de l’armée, certains le considérant comme un défenseur de la communauté chrétienne du pays et une figure de proue qui a tenté de lutter sérieusement contre la corruption au Liban. Ses adversaires lui reprochent son rôle dans la guerre civile de 1975-90 et ses alliances changeantes, notamment avec le Hezbollah, soutenu par l’Iran, la force militaire et politique la plus puissante du pays.

Il a également été critiqué pour avoir préparé son gendre à le remplacer, et beaucoup le tiennent pour responsable de la crise économique qui trouve ses racines dans des décennies de corruption et de mauvaise gestion.

M. Aoun, 13e président du Liban depuis l’indépendance du pays vis-à-vis de la France en 1943, a vu les relations historiques de Beyrouth avec les pays du Golfe riches en pétrole se détériorer à cause des pouvoirs du Hezbollah et de l’une des plus grandes explosions non nucléaires au monde qui a fait plus de 200 morts dans le port de Beyrouth en août 2020.

 

Crédits photo : L’ancien président du Liban, Michel Aoun, en 2019 (Wikimedia Commons).

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