En 10 ans, 130 milliards de dirhams (12 milliards d’euros) ont été investis pour porter les énergies vertes à 42 % du mix électrique national.
Le Maroc est-il en passe de devenir un haut lieu des énergies vertes dans le monde ? C’est ce que semble révéler le dernier classement du cabinet E&Y sur l’indice d’attractivité des pays en matière d’énergies renouvelables (EnR). Depuis 2017, le Royaume chérifien fait en effet partie des 15 nations les mieux notées pour leurs investissements et leurs possibilités de déploiement des EnR. En mai 2019, il s’est d’ailleurs classé à la 13e place, juste derrière le Danemark, le Chili et les Pays-Bas, et devant des pays comme le Canada, l’Espagne, le Brésil ou encore l’Italie. Et comme en 2018, le Maroc conserve la première place sur le continent africain, talonné par l’Egypte (14e) mais loin devant le Kenya (37e), troisième nation africaine.
Projets de grande envergure
Sans surprise, il obtient ses meilleures notes dans l’énergie solaire photovoltaïque (50 points sur 100 possibles), suivie par l’éolien terrestre (42 points) et le solaire thermodynamique (CSP). À noter que le classement est dominé par la Chine, les Etats-Unis et la France. Vu de l’extérieur, l’excellente position marocaine pourrait paraître surprenante… Mais pour qui s’intéresse quelque peu à l’actualité des énergies vertes, ce résultat n’a rien d’étonnant. Pour rappel, Marrakech avait accueilli la COP22 en novembre 2016.
Le développement des EnR et la transition énergétique doivent surtout leur réussite à la vaste stratégie nationale lancée en 2009 pour réduire la dépendance du Maroc vis-à-vis des importations d’énergies fossiles. En 10 ans, pas moins de 130 milliards de dirhams (12 milliards d’euros) ont ainsi été investis pour porter les énergies vertes à 42 % du mix électrique national d’ici 2022, et à 52 % d’ici 2030. Sur les trois dernières années, le prix des infrastructures d’énergie propre a baissé de 40 %, permettant aux projets de se multiplier sur le territoire. Le ministère de l’Energie, des mines et du développement durable a notamment recensé l’existence de 28 000 fermes équipées de pompes solaires. Mais des projets de plus grande envergure ont également vu le jour, à l’image dernièrement de la tour solaire Noor III, l’une des plus grandes du monde en matière de thermodynamique.
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En activité depuis décembre 2018, le troisième composant de la centrale solaire Noor de Ouarzazate dépasserait déjà les performances prévisionnelles sur les premiers mois d’exploitation, selon l’organisme New Energy Update. En ajoutant 150 mégawatts (MW) de puissance aux 360 MW déjà installés, cela devrait permettre à l’ensemble d’atteindre un total de 580 MW une fois la quatrième et dernière unité photovoltaïque livrée. Seule la centrale Solar Star, en Californie, pourra alors rivaliser…
Croissance effrénée
Au nord de Midelt, dans les hautes plaines du centre marocain, un autre projet gigantesque se profile à l’horizon 2022. À la jonction des massifs du Moyen et du Haut-Atlas, la centrale solaire hybride solaire et photovoltaïque de Noord Midelt constituera une première du genre dans le monde. Ce condensé de nouvelles technologies de 800 MW de capacité installée sera développé par un consortium réunissant le français EDF (via sa filiale EDF Renouvelables), l’émirati Masdar et le marocain Green of Africa. La construction doit débuter au dernier trimestre 2019 et constituer une étape majeure dans le déploiement de la transition énergétique du Maroc.
Plusieurs autres projets importants devraient voir le jour en 2020, à Laâyoune et Boujdour par exemple. Comme le solaire, l’énergie éolienne aussi se place sur le devant de la scène marocaine. D’après l’étude Global Wind Report portant sur l’année 2018, le royaume ferait ainsi partie des trois principaux marchés d’Afrique et du Moyen-Orient, avec une puissance éolienne installée de 120 MW, derrière le Kenya (310 MW) et l’Egypte (380 MW). À eux seuls, ces trois nations disposeraient de plus de 85 % de la capacité de la région, mesurée à 962 MW. Le Conseil mondial de l’énergie éolienne estime toutefois que 6,5 GW seront ajoutés d’ici 2023, soit un total près de 8 fois supérieur à celui de 2018.
Et le Maroc entend bien jouer un rôle central dans cette croissance effrénée. Rien que dans la région de Laâyoune-Sakia Al-Hamra, plusieurs chantiers sont en cours pour ajouter 800 MW de puissance supplémentaire à terme. Ces projets sont portés conjointement par des entreprises privées et structures publiques. Les investisseurs étrangers sont également parties prenantes, comme la société britannique Windhoist, qui a déjà implanté 56 éoliennes Siemens au sud de Boujdour, preuve des enjeux économiques et du potentiel clairement identifié de l’éolien marocain.
« Efforts positifs »
Mais pour atteindre ses objectifs ambitieux, le gouvernement marocain entend également développer d’autres filières, comme la biomasse. Encore sous-exploitée, cette source d’énergie présente le double avantage d’être produite localement, de manière durable et facilement « stockable ». Au Maroc, elle serait disponible en grande quantité sous forme de déchets issus de l’agriculture, de l’industrie agroalimentaire, de la sylviculture et de l’arboriculture.
Selon l’institut d’études allemand IfaS, le potentiel marocain serait de 11,5 millions de MWh par an et pourrait atteindre 17 millions en 2030, soit une progression envisagée de plus de 50 %. Les installations actuelles devront toutefois se développer pour pouvoir tenir ce rythme de croissance, note l’IfaS. Pour réellement transformer son mix énergétique, le Maroc doit également concentrer davantage ses efforts sur les secteurs du bâtiment et des transports, et pas seulement la production d’électricité. D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le pays serait encore trop dépendant des importations d’énergies fossiles (pétrole et gaz naturel essentiellement), malgré les « efforts positifs » remarqués par l’agence.
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L’AIE souligne cependant la flexibilité du système électrique marocain, notamment entre l’éolien, l’hydraulique et le solaire. Elle reconnaît aussi son dynamisme dans un contexte international qui connaît un ralentissement de la croissance des énergies renouvelables. En 2018, les nouvelles capacités mondiales ont atteint seulement 180 GW, soit 40 % de moins que les 300 GW nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris. Alors que la progression stagne dans la plupart des pays très développés, les nations émergentes d’Asie et d’Afrique du Nord, comme l’Inde et le Maroc, font donc office de véritables locomotives mondiales.
