L’année écoulée aura vu le retrait des troupes américaines de Syrie, l’enlisement du prince héritier saoudien et le « triomphe » diplomatique du Qatar.
« Partir de Syrie n’est pas une surprise » : jeudi 20 décembre, dans un de ses habituels tweets matinaux, Donald Trump a officialisé le retrait prochain des forces américaines de Syrie. Considérant que l’organisation terroriste Etat islamique était « vaincue », le président américain a, une nouvelle fois, pris de court ses alliés qui, de Paris à Londres, ont affirmé qu’ils poursuivraient le combat. Une déclaration de pure forme, le départ de Washington signant, à terme, celui de ses partenaires historiques, incapables de maintenir une présence militaire suffisante face aux troupes syriennes, russes et turques.
Plongée dans l’inconnu
De fait, le retrait américain laisse Bachar al-Assad, mais surtout Moscou et Ankara, seuls maîtres du jeu syrien. Un message reçu cinq sur cinq par Recep Tayyip Erdogan, le président turc menaçant depuis plusieurs semaines d’une offensive contre les forces kurdes du YPG, considérées par la Turquie comme une organisation « terroriste ». La Russie et l’Iran, alliés de Damas, ne sont pas en reste et apparaissent comme les premiers bénéficiaires du retrait américain. Un retour des GI’s chez eux qui a donc tout, localement, d’une plongée dans l’inconnu.
Forum de Doha
Dans la foulée de l’affaire Khashoggi, du nom de ce journaliste saoudien assassiné par Riyad dans un consulat en Turquie, et à la suite de la crise générée par le blocus décrété à l’encontre du Qatar par l’Arabie saoudite et ses alliés, Doha se pose désormais en alternative à l’autocratisme et à l’aventurisme saoudiens. Non seulement le petit émirat a-t-il fait la preuve de sa résilience, mais il met à profit sa bonne santé économique pour cultiver une aura de médiateur et d’intermédiaire régional – et ce d’autant plus que le Qatar est historiquement proche de la Turquie et de l’Iran, désormais incontournables au Moyen-Orient.
Ce nouveau rôle, le Qatar l’a mis en scène les 15 et 16 décembre, à l’occasion de la 18ème édition du Forum de Doha. Placé sous le thème « Diplomatie, dialogue et diversité », l’évènement, qui réunissait 1 500 invités, du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à Alistair Burt, député conservateur britannique, en passant par le conseiller du président turc, Ibrahim Kalin, a été l’occasion pour le chef de la diplomatie qatarie, Mohammed Ben Abderrahmane al-Thani, d’appeler à « une nouvelle alliance régionale » à même de faire face aux défis politiques, économiques et sécuritaires de la région. Un appel qui acte la marginalisation de Riyad et du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ?
L’improbable rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite
« Cornérisée », embourbée dans une guerre au Yémen qualifiée de « pire crise humanitaire » par l’ONU, l’Arabie saoudite du prince héritier Mohamed ben Salman a tenté, cette année, un inédit rapprochement avec… Israël. Estimant, en avril dernier, qu’Israël a « le droit d’exister », celui que l’on surnomme « MBS » a multiplié les rencontres symboliques avec Tel-Aviv, tout en renforçant les liens économiques entre les deux pays. Un rapprochement de circonstance, l’Arabie saoudite et Israël partageant un même ennemi : l’Iran.
Un rapprochement également lourd de conséquences, puisqu’il a entraîné « la décision du président Trump de retirer les Etats-Unis de l’accord de Vienne » sur le nucléaire iranien, selon la spécialiste du Moyen-Orient Elisabeth Marteu. De plus, la « lune de miel » entre Riyad et Tel-Aviv bouscule l’équilibre régional et fragilise, s’il le fallait encore, la Palestine. « Si l’Arabie saoudite, qui se veut leader du monde sunnite, abandonne [la Palestine], son image [dans la région et auprès des musulmans] risque d’être fortement détériorée », prévient-elle.
